Nations Unies

E/C.12/LKA/CO/2-4

Conseil économique et social

Distr. générale

9 décembre 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels Quarante-cinquième session Genève, 1er-19 novembre 2010

               Examen des rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

                   Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

               Sri Lanka

1.          Le Comité a examiné les deuxième à quatrième rapports périodiques de Sri Lanka, présentés en un seul document, sur l’application du Pacte (E/C.12/LKA/2-4), à ses 40e, 41e et 42e séances, tenues les 8 et 9 novembre 2010 (E/C.12/2010/SR.40 à 42), et a adopté à sa 55e séance, tenue le 19 novembre 2010, les observations finales ci-après.

           A.     Introduction

2.          Le Comité se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie. Il est néanmoins préoccupé par le fait que le rapport de l’État partie, qui a été soumis avec un retard de quinze ans, contient peu de renseignements, de données ventilées ou de statistiques utiles sur l’application effective des droits consacrés par le Pacte. Il regrette que l’État partie n’ait pas répondu à la moitié des questions posées par le Comité dans la liste des points à traiter. Il invite l’État partie à se conformer intégralement, pour ses prochains rapports périodiques, aux directives du Comité concernant l’établissement de rapports, afin de permettre au Comité d’évaluer pleinement dans quelle mesure les droits visés par le Pacte sont respectés dans l’État partie. Il lui recommande de consulter les organisations de la société civile lors de la rédaction de son prochain rapport périodique.

           B.     Aspects positifs

3.          Le Comité se félicite de la ratification des deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, à savoir le Protocole concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, ratifié en 2000, et le Protocole concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, ratifié en 2006, ainsi que le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ratifié en 2002. Il se félicite aussi de la ratification des Conventions de l’OIT no 111 (1998) concernant la discrimination (emploi et profession), no 138 (2000) sur l’âge minimum d’admission à l’emploi et no 182 (2001) sur les pires formes de travail des enfants.

4.          Le Comité prend acte avec satisfaction des progrès réalisés concernant l’application du Pacte, notamment l’adoption:

a)          De la loi no 34 du 3 octobre 2005 relative à la prévention de la violence familiale;

b)         De la loi no 8 de 2003 (modifiée) sur l’emploi des femmes, des jeunes et des enfants, qui relève de 12 à 14 ans l’âge minimum d’admission à l’emploi;

c)          De la politique nationale du handicap en 2003.

5.          Le Comité félicite l’État partie des progrès notables qu’il a accomplis en vue de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, particulièrement dans les domaines de la santé et de l’enseignement, et constate avec satisfaction que l’État partie est en passe d’atteindre d’ici à 2015 les cibles fixées pour la plupart des indicateurs.

           C.     Principaux sujets de préoccupation et recommandations

6.          Le Comité est préoccupé aussi par le fait que le Pacte n’est pas pleinement applicable dans l’ordre juridique interne et que certaines de ses dispositions, qui sont pourtant opposables devant la Cour suprême, sont rarement invoquées, ce qui dénote une méconnaissance du Pacte dans l’État partie. Il est sérieusement préoccupé par le fait que le caractère contraignant des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et plus particulièrement des Conventions de l’OIT auxquels l’État partie a adhéré a été remis en cause à maintes reprises par la Cour suprême.

Le Comité engage l’État partie à faire en sorte que le Pacte soit pleinement applicable dans l’ordre juridique interne et l’emporte sur la législation interne en cas de conflit. Il lui demande aussi instamment de mettre la législation interne en conformité avec les droits reconnus dans le Pacte. Il l’invite à renforcer les programmes de formation relatifs aux droits de l’homme de manière à améliorer la connaissance, la prise de conscience et l’application du Pacte et des autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier dans les instances judiciaires, chez les responsables de l’application des lois et chez les autres acteurs chargés de la mise en œuvre du Pacte.

7.          Le Comité est préoccupé par le fait que le maintien de l’état d’urgence, même si celui-ci a été partiellement levé, entrave la pleine réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.

Le Comité demande instamment à l’État partie d’envisager d’abroger toutes les dispositions régissant l’état d’urgence encore en vigueur qui compromettent la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.

8.          Le Comité se déclare préoccupé par le manque d’indépendance de la Commission nationale des droits de l’homme, qui a été rétrogradée au statut B en décembre 2007, notamment pour cette raison, par le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (CIC). Il constate aussi avec préoccupation que des sièges restent vacants à la Commission des droits de l’homme et que celle-ci est en sommeil.

Le Comité demande instamment à l’État partie de veiller à ce que la Commission nationale des droits de l’homme réponde aux critères d’indépendance et d’autonomie énoncés dans les principes relatifs au statut des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme (Principes de Paris, résolution 48/134 de l’Assemblée générale).

9.          Le Comité s’inquiète de ce que le pouvoir judiciaire et des organismes de surveillance importants ne soient pas suffisamment indépendants pour assumer pleinement leur rôle en matière de promotion et de protection des droits économiques, sociaux et culturels. Il est aussi préoccupé par le fait que l’indépendance du pouvoir judiciaire et d’autres organismes de surveillance a été encore réduite par le dix-huitième amendement à la Constitution, promulgué le 8 septembre 2010, qui prévoit la nomination directe, par le Président de la République, des présidents et membres de la Commission des droits de l’homme, de la Commission d’enquête sur les plaintes relatives à la corruption, des membres de la Commission de la magistrature et du Commissaire parlementaire aux relations avec l’administration (Médiateur).

Le Comité engage l’État partie à prendre toutes les dispositions nécessaires pour garantir l’indépendance et l’intégrité du pouvoir judiciaire et des organismes de surveillance. Il lui recommande aussi de revoir les dispositions du dix-huitième amendement à la Constitution relatives à la procédure de nomination des présidents et membres des organes de surveillance.

10.        Le Comité est gravement préoccupé par la fréquence des menaces, agressions, campagnes de diffamation et autres formes de stigmatisation dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme dans l’État partie ainsi que par les restrictions abusives imposées à leurs activités.

Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre les mesures nécessaires, conformément à la Déclaration du 9 décembre 1998 sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus, pour faire cesser les actes de harcèlement et de persécution incessants dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme et pour que les auteurs de menaces et d’agressions soient dûment poursuivis et sanctionnés. Il l’engage à nouer un dialogue permanent avec les acteurs de la société civile, notamment ceux qui mènent des campagnes de sensibilisation aux droits de l’homme et ceux qui défendent ces droits, en vue de formuler et d’appliquer des stratégies de protection et de promotion des droits économiques, sociaux et culturels dans tout le pays, notamment à l’occasion de l’élaboration en cours d’un plan national d’action pour les droits de l’homme. Le Comité demande aussi à l’État partie d’accélérer la procédure d’adoption d’une loi sur le droit à l’information.

11.        Le Comité est préoccupé par le fait que la transformation des terres ancestrales des Veddahs en parc national a entraîné leur marginalisation socioéconomique et leur appauvrissement, du fait qu’on leur a interdit l’accès à leurs terrains de chasse et à leurs zones de récolte de miel traditionnels. Il est préoccupé aussi par la forte stigmatisation dont les Veddahs sont l’objet dans l’État partie, en particulier les enfants qui sont victimes d’ostracisme à l’école et souvent employés à des travaux dangereux (art. 1, par. 2).

Le Comité demande instamment à l’État partie de faire en sorte que les Veddahs puissent retourner sur les terres dont ils ont été expulsés et y demeurer en paix, en particulier dans la réserve de Maduru Oya, et de créer un organisme d’État représentant les Veddahs, qui devrait être consulté et donner son consentement avant l’exécution de tout projet ou l’application de toute politique des pouvoirs publics affectant leur existence. Il recommande à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention no 169 (1989) de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux.

12.        Le Comité est préoccupé par le degré élevé de corruption, qui nuit à l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels de chacun, et par le fait que l’État partie n’a pas encore pris de mesures énergiques et efficaces pour lutter contre la corruption et l’impunité dont elle s’accompagne (art. 2, par. 1).

Le Comité engage l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la corruption et l’impunité dont elle s’accompagne. Il encourage l’État partie à former la police et les autres agents des forces de l’ordre, ainsi que les procureurs et les juges, à l’application rigoureuse des lois anticorruption, à exiger des pouvoirs publics, en droit et en pratique, qu’ils fonctionnent de manière transparente, et à faire en sorte que les personnes passibles de poursuites soient traduites en justice. Le Comité l’encourage à demander la coopération des organisations internationales qui sont particulièrement compétentes en matière de lutte contre la corruption et il le prie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements détaillés sur le degré d’avancement de la lutte contre la corruption et l’impunité.

13.        Le Comité est préoccupé par la dureté des conditions de travail et d’existence des travailleurs des plantations et de leur famille, dont une forte proportion vit dans l’extrême pauvreté. Il se déclare préoccupé aussi par le fait que la loi no 18 de 1948 sur la citoyenneté, qui refusait la citoyenneté aux Tamouls d’origine indienne, ne soit toujours pas abrogée et que des milliers de Tamouls d’origine indienne attendent toujours de se voir accorder la citoyenneté en vertu de la loi de 2003 sur la naturalisation des personnes d’origine indienne et, du fait de leur apatridie, ne jouissent pas de leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 2).

Le Comité engage l’État partie à dégager d’urgence les ressources nécessaires à l’exécution du Plan national d’action en vue du développement social de la communauté des travailleurs des plantations, adopté en 2006, et de fournir dans son prochain rapport périodique une information détaillée sur les mesures concrètes prises pour que ces travailleurs et leur famille, ainsi que les Tamouls d’origine indienne, ne soient plus l’objet de discriminations et vivent dans des conditions décentes. Il engage l’État partie à abroger la loi no 18 de 1948 sur la citoyenneté et à accélérer le processus de délivrance de papiers d’identité aux Tamouls d’origine indienne conformément à la loi de 2003 sur la naturalisation des personnes d’origine indienne.

14.        Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré la mise en place récente d’emplois qui leur sont réservés, les personnes handicapées demeurent l’objet de discriminations dans l’accès à l’emploi et d’une forte stigmatisation dans la société. Il est préoccupé aussi par le fait que la politique nationale de 2003 relative au handicap n’est pas encore appliquée et que les familles de personnes handicapées n’ont reçu jusqu’à présent qu’une aide limitée de l’État partie et doivent donc continuer à confier leurs enfants handicapés à des établissements spécialisés, souvent pour de longues périodes. Le Comité est préoccupé par le fait qu’une large proportion d’enfants handicapés, pour la plupart des filles, demeure privée de toute possibilité de scolarisation (art. 2, par. 2).

Le Comité engage l’État partie à prendre des mesures concrètes pour appliquer sa politique nationale de 2003 relative au handicap et à renforcer ses efforts pour promouvoir l’entrée des personnes handicapées sur le marché du travail, y compris en renforçant le système des emplois réservés aux handicapés. Il l’engage aussi à rassembler des données statistiques précises ventilées sur les enfants handicapés et à faire en sorte que tous ces enfants, particulièrement les filles, aient accès à l’enseignement. Il l’encourage à ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif.

15.        Le Comité constate avec préoccupation que, malgré les recommandations formulées à maintes reprises par les organes conventionnels depuis 1998, l’État partie n’a pas encore abrogé les dispositions du droit écrit et des lois sur le statut personnel qui sont discriminatoires à l’égard des femmes et des filles, comme l’ordonnance de 1935 sur la mise en valeur des terres et les dispositions du droit musulman sur le statut personnel autorisant le mariage précoce des filles dès 12 ans, et que l’État partie a pris peu de mesures pour lutter contre la persistance de stéréotypes, d’attitudes et de traditions à caractère patriarcal concernant le rôle des hommes et des femmes au sein de la famille et dans la société. Il note avec une vive inquiétude que l’État partie compte sur les communautés pour qu’elles modifient elles-mêmes leurs lois sur le statut personnel et que le projet de loi sur les femmes ne protège pas les femmes et les filles de toutes les communautés contre les mariages précoces et forcés (art. 3).

Le Comité rappelle à l’État partie que l’égalité de droits entre les hommes et les femmes a valeur d’obligation immédiate qui ne saurait être conditionnée à la volonté des communautés concernées de modifier leurs lois. Par conséquent, il engage l’État partie à prendre des mesures immédiates pour abroger toutes les dispositions du droit écrit qui sont discriminatoires à l’égard des femmes, ainsi que pour amender le droit musulman sur le statut personnel et le mettre en conformité avec la législation nationale afin d’interdire les mariages précoces. Il l’encourage aussi à promouvoir énergiquement l’égalité entre hommes et femmes à tous les niveaux de la société, notamment par des programmes éducatifs et des campagnes dans les médias luttant contre les stéréotypes qui empêchent les femmes d’exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels. Il appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale no 16 (2005) sur le droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels.

16.        Le Comité constate avec préoccupation que, malgré la diminution du chômage enregistrée au cours des dernières années, le taux de chômage des femmes est resté deux fois plus élevé que celui des hommes au cours des dernières décennies et que près de la moitié des jeunes femmes âgées de 15 à 29 ans, en particulier celles qui ont reçu une instruction, sont toujours sans emploi. Il est aussi vivement préoccupé par le fait que 300 000 femmes environ risquent de perdre leur emploi si l’Union européenne (UE) suspend les préférences commerciales accordées dans le cadre du Système généralisé de préférences (SGP) en raison de manquements importants dans l’application par Sri Lanka de trois conventions des Nations Unies relatives aux droits de l’homme qui entrent en ligne de compte pour pouvoir bénéficier des avantages prévus par le SGP (art. 6).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter un plan d’action national, assorti d’objectifs chiffrés et d’un calendrier d’application, qui vise à promouvoir l’accès des femmes et des jeunes sri-lankais à un emploi stable, et d’établir un mécanisme national de suivi de la mise en œuvre de ce plan d’action. Il l’encourage aussi à suivre de près la situation des femmes qui risquent de perdre leur emploi si les préférences commerciales accordées dans le cadre du SGP sont suspendues, afin de leur permettre de jouir de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

17.        Le Comité constate avec préoccupation que plusieurs dispositions législatives et réglementations d’urgence autorisent le recours au travail obligatoire, et en particulier que la loi no 70 de 1961 sur le service public obligatoire, qui peut imposer un service public obligatoire allant jusqu’à cinq ans aux diplômés de l’enseignement supérieur, n’a pas encore été abrogée (art. 6).

Le Comité se félicite que l’État partie ait déclaré au cours du dialogue que des mesures sont en cours d’adoption pour abolir la loi no 70 sur le service public obligatoire.

18.        Le Comité constate avec préoccupation que les femmes sont faiblement, et de moins en moins, représentées dans les postes de décision et les postes publics, et qu’elles sont concentrées dans quelques secteurs économiques et occupent essentiellement des emplois peu qualifiés et peu rémunérés. Il est aussi préoccupé par le fait que l’interdiction des discriminations directes et indirectes en matière d’emploi