Observations finales concernant le rapportunique valant sixième et septième rapportspériodiques de la République démocratiquedu Congo *

Le Comité a examiné le rapport unique valant sixième et septième rapports périodiques de la République démocratique du Congo (CEDAW/C/COD/6-7) à ses 1134e et 1135e séances, le 11 juillet 2013 (voir CEDAW/C/SR.1134 et 1135). La liste des questions et des points soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/COD/Q/6-7, et les réponses données par le Gouvernement de la République démocratique du Congo sont reproduites dans le document CEDAW/C/COD/Q/6-7/Add.1.

A.Introduction

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir présenté ses sixième et septième rapports périodiques et remercie l’État partie de ses réponses écrites à la liste de points et questions soulevés par le groupe de travail d’avant-session, de sa présentation orale et des précisions complémentaires qu’il a apportées aux questions orales du Comité.

Le Comité félicite l’État partie pour le haut niveau de sa délégation dirigée par la Ministre de la justice et des droits de l’homme, Wivine Mumba Matipa, et composée de représentants du Ministère de la condition féminine, de la famille et des enfants et du Ministère des affaires étrangères. Le Comité se réjouit de l’échange de vues fructueux qu’il a eu avec la délégation.

Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas soumis le rapport demandé à titre exceptionnel par le Comité le 16 novembre 2010 sur les allégations de viol et d’autres formes de violence sexuelle perpétrés à l’encontre des femmes au cours du conflit, conformément à l’article 18 b) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite de l’adoption des lois suivantes :

a)La loi no08/005 du 10 juin 2008 dans laquelle il est demandé aux partis politiques de tenir compte de la parité hommes-femmes lors de l’établissement des listes électorales;

b)La loi no08/011 du 14 juillet 2008 portant protection des droits des personnes vivant avec le VIH/sida et des personnes affectées;

c)La loi du 21 mars 2013 relative à la création, à l’organisation et au fonctionnement de la Commission nationale de défense des droits de l’homme.

Le Comité accueille également favorablement l’adoption des dispositifs suivants :

a) Le plan d’action national pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, la mise en place d’un comité national de pilotage dans le cadre du plan d’action national et la formulation d’un plan d’action portant sur la résolution 1820 (2008) du Conseil de sécurité;

b) La politique nationale en matière d’égalité des sexes, en 2009, et son plan d’action;

c) La stratégie nationale pour la participation des femmes à la gouvernance démocratique, en 2010;

d) La stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre (2009-2010) et la création de l’Agence nationale de lutte contre les violences faites à la femme, à la jeune et petite fille (AVIFEM), ainsi que la création de comités techniques de coordination destinés à lutter contre les violences sexuelles et du Fonds national pour la promotion de la femme et protection des enfants;

e) La stratégie nationale de lutte contre la mortalité maternelle et infantile;

f) Le plan d’action concernant la santé de la reproduction, le genre et la population (2008-2012);

g) La politique de développement rural intégré et la stratégie nationale de microfinancement (2008-2012).

Le Comité constate avec satisfaction qu’en 2010 l’État partie a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Parlement

Tout en réaffirmant que le Gouvernement est responsable au premier chef et qu ’ il est particulièrement comptable du plein respect des obligations que la Convention impose à l ’ État partie, le Comité souligne que la Convention a force obligatoire pour toutes les branches du Gouvernement et invite l ’ État partie à encourager le parlement à prendre, conformément à ses procédures, et selon que de besoin, les mesures nécessaires en ce qui concerne l ’ application des présentes observations finales d ’ ici au prochain rapport de l ’ État partie au titre de la Convention.

Violence à l’égard des femmes dans les zones touchées par le conflit

Le Comité est extrêmement préoccupé par :

a) Les viols en masse, la violence sexuelle et l’esclavage sexuel utilisés comme une arme de guerre par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et les groupes armés dans l’est du pays;

b) Les proportions et la nature alarmantes de la violence et des atrocités sexuelles commises contre les femmes, l’incapacité des autorités à faire de la protection des civils une priorité et le refus par les hauts fonctionnaires d’admettre l’ampleur de la violence à l’égard des femmes dans les zones touchées par le conflit;

c) L’impunité généralisée et l’insuffisance des ressources financières allouées aux tribunaux militaires opérationnels, le nombre restreint de membres des forces armées traduits devant les tribunaux militaires, le fait que les procureurs militaires ne donnent pas systématiquement suite aux enquêtes menées par la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), ainsi que par d’autres organismes et institutions des Nations Unies, concernant des actes de violence sexuelle commis par les forces armées congolaises, le retard pris dans la création de tribunaux d’exception chargés de juger les personnes responsables de crimes de guerre, de génocide et de crimes contre l’humanité, et le faible nombre de magistrates saisies d’affaires de violence sexuelle dans les zones touchées par le conflit et de juges et de procureurs spécialistes de la violence sexuelle;

d) La crainte des représailles qui pèse sur les femmes qui dénoncent la conduite des forces de sécurité, notamment des cas d’agression sexuelle, envers les militantes des droits de l’homme, en particulier les militantes qui défendent les droits des femmes dans les affaires de violence sexuelle survenant dans les communautés rurales;

e) Les lacunes concernant l’exécution des décisions de justice et le non-versement des indemnités accordées dans les affaires de violence sexuelle commises par des agents de l’État dans les zones touchées par le conflit;

f) L’absence de procédure adéquate d’examen de la situation qui permette de démettre de leurs fonctions officielles les membres des forces de sécurité présumés coupables de graves violations des droits de l’homme;

g) Le manque de centres fournissant un soutien médical, judiciaire, psychologique et socioéconomique aux femmes et aux filles victimes de la violence sexuelle dans les zones touchées par le conflit;

h) Le grand nombre de femmes qui vivent avec le VIH/sida et les répercussions qu’ont sur les femmes les déplacements massifs, la marginalisation, les traumatismes et la pauvreté engendrés par le conflit;

i) Le fait que le commerce des armes soit peu réglementé et la prolifération des armes légères et de petit calibre ainsi que les conséquences qui en découlent pour la sécurité des femmes;

j) La très faible représentation des femmes dans les négociations de paix.

Le Comité exhorte l ’ État partie  :

a) À prévenir les actes de violence sexiste, en particulier les actes de violence sexuelle, commis par des acteurs étatiques et non étatiques dans les zones touchées par le conflit, à garantir la protection des civils, notamment des femmes, en coordination avec la MONUSCO, à dispenser une formation de sensibilisation à l ’ égalité des sexes et à adopter des codes de conduite pour les policiers et les militaires, ainsi qu ’ à former les psychologues et les professionnels de santé;

b) À accorder un rang de priorité élevé à la lutte contre l ’ impunité des auteurs de violences sexuelles dans les zones touchées par le conflit, à mener rapidement à bien des enquêtes efficaces et indépendantes dans les affaires de violations des droits des femmes commises par les forces armées congolaises et d ’ autres groupes armés, et à poursuivre les auteurs de tels actes, y compris ceux qui exercent des fonctions de commandement;

c) À garantir à toutes les femmes touchées par la violence sexuelle pendant le conflit l ’ accès à la justice, à allouer des ressources financières appropriées aux tribunaux militaires, à faire en sorte que le système de justice soit prompt à réagir à la violence sexiste et à accroître le nombre de magistrates saisies d ’ affaires de violence sexuelle dans les zones touchées par le conflit et le nombre de juges et de procureurs spécialisés dans les affaires de violence sexuelle, ainsi qu ’ à poursuivre ses efforts, avec l ’ appui de la communauté internationale, en vue d ’ adopter une loi portant création d ’ un tribunal d ’ exception ou de chambres d ’ exception au sein du système judiciaire national, chargé(s) de juger les responsables présumés de crimes de guerre, de génocide et de crimes contre l ’ humanité;

d) À garantir la protection des victimes et des témoins contre les représailles lorsqu ’ ils tentent d ’ accéder à la justice;

e) À créer un système de contrôle fondé sur les droits de l ’ homme afin qu ’ aucun auteur de violation des droits de l ’ homme, notamment de violation des droits fondamentaux des femmes, ne soit maintenu dans l ’ armée ou la police ou intégré dans l ’ armée, en particulier lors des négociations de paix avec les groupes armés;

f) À s ’ assurer que les victimes puissent bénéficier d ’ un ensemble complet de traitements médicaux, de soins de santé mentale et de soutien psychologique dispensés par des professionnels de santé formés pour déceler la violence sexuelle et en traiter les conséquences et à faire en sorte que les femmes victimes aient gratuitement accès aux démarches médico-légales;

g) À garantir la mise en œuvre effective du plan d ’ action national pour l ’ application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et à élaborer une politique nationale générale pour accorder une réparation appropriée aux victimes de crimes sexuels;

h) À veiller à réglementer efficacement le commerce des armes, à contrôler la circulation des armes légères illicites et à envisager de ratifier le Traité sur le commerce des armes (2013);

i) À améliorer sensiblement l ’ inclusion et la représentation des femmes dans les négociations de paix et à garantir qu ’ elles seront représentées dans les comités de sécurité provinciaux;

j) À garantir l ’ application effective de la résolution 2098 (2013) du Conseil de sécurité.

Accès à la justice

Le Comité est profondément préoccupé par :

a) Le retard pris dans la réforme du système judiciaire, le nombre insuffisant de tribunaux et le grave manque de ressources financières et humaines dont pâtit le système de justice pénale;

b) L’absence d’accès effectif des femmes à la justice du fait de multiples facteurs, tels que le coût élevé des procédures judiciaires et la corruption généralisée, l’ignorance juridique, le nombre insuffisant de tribunaux, la tendance à choisir la médiation dans les affaires de violence sexuelle et la formation insuffisante des juges, des procureurs et des avocats aux droits des femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De consolider le système judiciaire, notamment en renforçant les moyens financiers, techniques et humains, et d ’ achever sans délai la réforme du système judiciaire et d ’ établir aussi, sans tarder, toutes les juridictions qui doivent l ’ être;

b) De veiller à ce que les femmes, notamment celles qui ont subi des violences pendant le conflit, aient véritablement accès aux juridictions et aux tribunaux et en particulier  :

i) D ’ accorder une aide judiciaire gratuite aux femmes démunies;

ii) De renforcer les mécanismes anticorruption afin d ’ accroître la confiance des femmes dans le système judiciaire;

iii) De sensibiliser les femmes aux dispositions relatives à la violence sexuelle et les encourager à porter plainte au lieu de choisir la médiation;

iv) De mener des campagnes de sensibilisation pour éliminer la stigmatisation à l ’ égard des femmes victimes de la violence sexuelle;

v) De dispenser systématiquement aux juges, aux procureurs et aux avocats une formation sur l ’ application de la législation interdisant la discrimination et la violence sexuelle;

vi)