NATIONS UNIES

 

E

Conseil économique et social

Distr. GÉNÉRALE

E/C.12/PHL/CO/4 2 décembre 2008

FRANÇAIS Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS Quarante et unième session Genève, 3‑21 novembre 2008

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

PHILIPPINES

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

1.       Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné les deuxième à quatrième rapports périodiques des Philippines sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/PHL/4), présentés en un seul document, à ses 39e, 40e et 41e séances, tenues les 11 et 12 novembre 2008 (E/C.12/2008/SR.39 à 41), et a adopté, à sa 56e séance, tenue le 21 novembre 2008, les observations finales ci‑après.

A.  Introduction

2.       Le Comité accueille avec satisfaction la présentation des deuxième à quatrième rapports périodiques des Philippines en un seul document, qui est dans son ensemble conforme aux directives du Comité, mais déplore qu’elle intervienne avec onze ans de retard. Il se félicite en outre des réponses écrites à sa liste de points à traiter (E/C.12/PHL/Q/4/Add.1) et du dialogue ouvert et constructif instauré avec la délégation de l’État partie, composée de représentants de divers ministères connaissant particulièrement bien les questions couvertes par le Pacte.

3.       Le Comité se félicite que la Commission des droits de l’homme des Philippines ait participé au dialogue avec l’État partie, et prend note en s’en félicitant de la présentation orale faite par son président à l’occasion de l’examen du rapport.

B.  Aspects positifs

4.       Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme des Nations Unies ou y a adhéré.

5.       Le Comité note avec satisfaction l’adoption de plusieurs mesures visant à interdire toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment:

a)       Le Plan philippin de développement favorisant l’égalité entre les sexes, 1995‑2025;

b)      La loi de 1995 réprimant le harcèlement sexuel (loi de la République no 7877);

c)       La loi de 2003 réprimant la traite des êtres humains (loi de la République no 9208); et

d)      La loi de 2004 réprimant la violence à l’égard des femmes et de leurs enfants (loi de la République no 9262).

6.       Le Comité prend également note avec satisfaction des diverses mesures législatives, administratives et politiques adoptées par l’État partie pour reconnaître, protéger et promouvoir les droits individuels et collectifs des peuples autochtones vivant sur le territoire de l’État partie, notamment:

a)       La loi de 1997 relative aux droits des peuples autochtones (loi de la République no 8371);

b)      Les directives relatives au consentement préalable libre et éclairé, adoptées en 2002 par la Commission nationale des peuples autochtones, qui mettent l’accent sur le droit des peuples autochtones à prendre part aux décisions les concernant; et

c)       Le décret‑loi 270‑A, dont le but est de préserver l’intégrité écologique des terres et des ressources autochtones des effets négatifs des activités d’exploitation minière.

7.       Le Comité salue les efforts mis en œuvre par l’État partie pour protéger et promouvoir les droits des travailleurs philippins expatriés, notamment l’adoption de la loi de 1995 sur les travailleurs migrants et les Philippins expatriés (loi de la République no 8042), la conclusion d’un certain nombre d’accords bilatéraux avec des pays de destination et la promotion de systèmes de sécurité sociale facultatifs pour les travailleurs philippins expatriés.

8.       Le Comité note avec satisfaction l’adoption de la loi de 1997 abrogeant les dispositions interdisant le squat (loi de la République no 8368), qui dépénalise cette pratique, conformément aux recommandations formulées par le Comité dans ses précédentes observations finales (E/C.12/1995/7, par. 31).

9.       Le Comité note avec satisfaction l’instauration par l’État partie d’un cadre législatif et de mécanismes institutionnels destinés à protéger l’environnement et à améliorer l’hygiène du milieu et l’hygiène du travail.

10.     Le Comité salue la ratification récente, par l’État partie, des protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant respectivement l’implication d’enfants dans les conflits armés et la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants; de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; et du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Il note également avec satisfaction la ratification de la Convention no 182 (1999) de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants et de la Convention no 29 (1930) de l’OIT sur le travail forcé.

C.  Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre du Pacte

11.     Le Comité constate qu’aucun facteur ni aucune difficulté majeurs n’entravent l’application effective du Pacte dans l’État partie.

D.  Principaux sujets de préoccupation et recommandations

12.     Le Comité reste préoccupé par le fait que les dispositions du Pacte sont rarement invoquées devant les cours, les tribunaux ou les autorités administratives du pays ou appliquées directement par eux, en dépit du fait qu’aux termes de la section 2 de l’article II de la Constitution de 1987, le Pacte est considéré comme «faisant partie du droit interne».

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale no 9 (1998) sur l’application du Pacte au niveau national, et recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’application directe des dispositions du Pacte dans son ordre juridique interne, notamment en mettant en place des programmes de formation pour les juges, les avocats et les agents de la fonction publique. Le Comité prie également l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur les décisions de cours, de tribunaux ou d’autorités administratives donnant effet aux droits visés par le Pacte.

13.     Le Comité est préoccupé par le fait que la protection et la promotion des droits économiques, sociaux et culturels ne font pas partie du mandat de la Commission des droits de l’homme des Philippines. Il note également avec préoccupation le fait que celle‑ci ne dispose pas de ressources financières suffisantes pour s’acquitter de ses fonctions d’enquête et de surveillance.

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts visant à rendre la Commission des droits de l’homme des Philippines plus efficace, notamment en élargissant son mandat à la protection et à la promotion des droits économiques, sociaux et culturels, et en lui allouant les ressources financières dont elle a besoin pour mener à bien ses fonctions d’enquête et de surveillance. À cet égard, le Comité appelle l’État partie à progresser rapidement vers l’adoption de la Charte de la Commission des droits de l’homme des Philippines.

14.     Le Comité note avec préoccupation qu’en dépit des efforts entrepris par l’État partie pour combattre la corruption, comme la création d’un certain nombre d’instances publiques de lutte contre la corruption telles que le tribunal anticorruption, ce phénomène reste largement répandu.

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour engager des poursuites dans les cas de corruption et de revoir le régime des peines applicable aux infractions liées à la corruption. Il recommande aussi à l’État partie de former les policiers et les autres membres des forces de l’ordre, les magistrats du parquet et les juges à la stricte application des lois anticorruption, d’organiser des campagnes de sensibilisation et de faire le nécessaire pour imposer, en droit et en pratique, la transparence du comportement des autorités publiques. Le Comité prie l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements détaillés sur les progrès enregistrés et les obstacles rencontrés dans le cadre de la lutte contre la corruption et l’impunité.

15.     Le Comité demeure préoccupé par les informations selon lesquelles les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires de militants syndicaux, de dirigeants autochtones, de paysans militant pour la mise en œuvre de la réforme agraire et de défenseurs des droits de l’homme engagés dans la défense des droits économiques, sociaux et culturels de leurs communautés se poursuivent, en dépit des mesures adoptées par l’État partie, y compris la création de l’Équipe spéciale contre la violence politique, pour lutter contre ces phénomènes. Il est particulièrement préoccupé du peu d’avancement des enquêtes menées par l’État partie sur des affaires relatives à des disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires, et des poursuites engagées contre les auteurs de tels crimes.

Le Comité invite instamment l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les militants syndicaux, les dirigeants autochtones, les militants paysans et les défenseurs des droits de l’homme engagés dans la défense des droits économiques, sociaux et culturels de leurs communautés contre tout acte d’intimidation, toute menace ou violence perpétrés par les forces de sécurité et des agents de l’État ou des acteurs non étatiques. Il demande également à l’État partie de faire en sorte que toutes les affaires de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires qui sont signalées fassent l’objet d’enquêtes approfondies engagées sans délai et que les auteurs présumés des crimes soient poursuivis et dûment sanctionnés si leur culpabilité est établie. Le Comité invite l’État partie à fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements détaillés sur l’avancement des actions visant à prévenir les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires et à en châtier les auteurs.

16.     Le Comité note avec préoccupation les effets néfastes que les activités économiques liées à l’exploitation des ressources naturelles, notamment les activités d’extraction minière menées sur des territoires autochtones, continuent d’avoir sur le droit qu’ont les peuples autochtones sur leurs domaines ancestraux, leurs terres ancestrales et leurs ressources naturelles, tel qu’il est consacré par la loi de 1997 sur les droits des peuples autochtones. Il s’inquiète du conflit entre la loi sur les activités extractives et la loi sur les droits des peuples autochtones, et note en particulier que l’article 56 de cette loi, qui prévoit la protection des droits de propriété déjà existants sur des terres ancestrales, risque en pratique de compromettre la protection des droits reconnus aux peuples autochtones par la loi (art. 1, 11, 12 et 15).

Le Comité prie l’État partie d’appliquer pleinement la loi de 1997 sur les droits des peuples autochtones, notamment en garantissant la jouissance effective, par les peuples autochtones, de leurs droits sur leurs domaines ancestraux, leurs terres ancestrales et leurs ressources naturelles, et en empêchant que les activités économiques − en particulier l’extraction minière − menées sur les territoires autochtones nuisent à la protection des droits reconnus aux peuples autochtones par la loi susmentionnée.

17.     Le Comité note avec préoccupation qu’en dépit de la croissance élevée du PIB, les dépenses publiques consacrées aux services sociaux tels que le logement, la santé et l’éducation restent faibles et ont même diminué au cours des dernières années (art. 2, par. 1).

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration relative à l’appréciation de l’obligation d’agir «au maximum de ses ressources disponibles» dans le contexte d’un protocole facultatif au Pacte (E/C.12/2007/1), et recommande à l’État partie d’accroître ses dépenses publiques consacrées aux services sociaux tels que le logement, la santé et l’éducation en vue d’assurer, conformément au paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels consacrés par le Pacte.

18.     Le Comité relève avec préoccupation que l’État partie n’a pas fait suffisamment de progrès s’agissant de la révision et de l’abrogation des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes qui existent toujours dans la législation nationale. Il regrette que le projet de loi relatif à l’infidélité conjugale, qui a vocation à supprimer les dispositions discriminatoires du Code pénal révisé ayant trait au «concubinage» et à «l’adultère», n’ait pas encore été adopté. Il regrette également que l’interprétation qui est faite des dispositions du Code islamique du statut personnel (décret présidentiel no 1083) permette la polygamie et le mariage des filles âgées de moins de 18 ans et que les mariages forcés continuent d’être tolérés dans certaines zones du territoire de l’État partie (art. 2, par. 2 et 3, et art. 10, par. 1).

Le Comité prie instamment l’État partie d’entreprendre, à titre prioritaire, une révision complète de sa législation en vue de garantir l’égalité de droit et de fait entre les hommes et les femmes dans tous les domaines, conformément au paragraphe 2 de l’article 2 et à l’article 3 du Pacte.  Il l’exhorte en particulier à adopter le projet de loi relatif à l’infidélité conjugale et à revoir l’interprétation du Code islamique du statut personnel. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale no 16 (2005) sur le droit égal de l’homme et de l