Nations Unies

E/C.12/PHL/CO/5-6

Conseil économique et social

Distr. générale

26 octobre 2016

Français

Original : anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant les cinquième et sixième rapports périodiques des Philippines, soumis en un seul document *

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le rapport des Philippines valant cinquième et sixième rapports périodiques sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/PHL/5-6) à ses 65e et 66e séances (E/C.12/2016/SR.65 et 66), tenues les 28 et 29 septembre 2016, et a adopté, à sa 78e séance, tenue le 7 octobre 2016, les observations finales suivantes.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant cinquième et sixième rapports périodiques ainsi que les informations complémentaires fournies dans ses réponses à la liste de points (E/C.12/PHL/Q/5-6/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation interministérielle de haut niveau de l’État partie.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des textes suivants :

a)Loi de 2012 relative à la parentalité responsable et à la santé procréative (no 10354) ;

b)Loi sur la lutte contre les disparitions forcées (no 10353), en 2012 ;

c)Loi portant modification de la loi de 1995 sur les travailleurs migrants et les Philippins expatriés (no 10022), en 2010 ;

d)Charte des femmes (no 9710), en 2009.

Le Comité salue également la ratification par l’État partie du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2012.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application du Pacte au niveau national

Le Comité note avec préoccupation que la Charte des droits contenue dans la Constitution ne reconnaît pleinement ou explicitement les droits économiques, sociaux et culturels. Tout en relevant certains arrêts de la Cour suprême qui font référence au Pacte, le Comité regrette que le Pacte demeure rarement appliqué directement par les juridictions internes, en particulier les juridictions inférieures.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la protection des droits économiques, sociaux et culturels au niveau constitutionnel, institutionnaliser le recours en amparo concernant les droits consacrés par le Pacte, et faire en sorte que ces droits soient protégés par les juridictions internes à tous les niveaux. Il recommande également à l’État partie d’améliorer la formation des juges, des avocats et des agents de l’État aux dispositions du Pacte. Il appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale no 9 (1998) relative à l’application du Pacte au niveau national.

Collecte de données

Le Comité s’inquiète de l’absence de données fiables, notamment dans le recensement national, en particulier de données sur les peuples autochtones, les personnes handicapées et les personnes vivant dans la pauvreté.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour revoir et améliorer son système de collecte de données, y compris son recensement national, en vue de recueillir des données complètes, fiables et ventilées. Cela permettra d’évaluer l’exercice des droits énoncés dans le Pacte, en particulier par les individus et groupes défavorisés et marginalisés, y compris les peuples autochtones, les personnes handicapées et les personnes vivant dans la pauvreté. Ces données sont nécessaires pour suivre les progrès accomplis dans la réalisation de ces droits et concevoir des mesures efficaces et ciblées pour en renforcer l’exercice.

Commission philippine des droits de l’homme

Le Comité note avec satisfaction les efforts accomplis par la Commission philippine des droits de l’homme pour promouvoir et protéger les droits de l’homme. Il note cependant avec préoccupation que la Commission n’a pas explicitement pour mandat de traiter des droits économiques, sociaux et culturels et qu’elle n’est pas dotée de ressources financières et humaines suffisantes.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que la Commission ait explicitement pour mandat de traiter des droits économiques, sociaux et culturel et qu’elle soit dotée de ressources suffisantes, avec l’autonomie nécessaire pour planifier et gérer son propre budget. Il demande instamment à l’État partie d’accélérer le débat sur la Charte de la Commission des droits de l’homme et son adoption (projet de loi du Sénat no 2818, relatif à une loi renforçant l’organisation fonctionnelle et structurelle de la Commission des droits de l’homme, et à d’autres fins) pour assurer la pleine mise en œuvre des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Défenseurs des droits de l’homme

Le Comité est profondément préoccupé par la persistance des cas de harcèlement, des disparitions, des menaces de mort et des meurtres de défenseurs des droits de l’homme, malgré l’adoption en 2012 de l’ordonnance administrative no 35 relative aux exécutions extrajudiciaires. Il note également avec préoccupation le faible nombre de cas qui donnent lieu à des enquêtes, des poursuites et des sanctions.

Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour protéger les défenseurs des droits de l’homme, y compris les syndicalistes, les défenseurs des populations urbaines pauvres, les militants autochtones et les paysans activistes contre le meurtre et toutes les formes de violence. De plus, il demande instamment à l’État partie de garantir un environnement sûr et favorable qui facilite le travail de ces défenseurs pour promouvoir et protéger les droits économiques, sociaux et culturels. Il recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour enquêter rapidement et de manière approfondie sur tous les cas signalés de harcèlement, de disparition et de meurtre de défenseurs des droits de l’homme, et de traduire les auteurs en justice.

Peuples autochtones

Tout en prenant note de l’action menée par l’État partie pour protéger les droits des peuples autochtones, le Comité constate avec préoccupation :

a)Les contradictions entre la protection des terres ancestrales des peuples autochtones en vertu des articles 5 et 56 de la loi de 1997 sur les droits des peuples autochtones, les dispositions de la loi de 1995 sur les activités minières et le Code philippin de 1974 sur la réforme forestière, ainsi que le retard dans l’adoption du projet de loi sur l’utilisation des sols ;

b)La mise en œuvre insatisfaisante de la loi sur les droits des peuples autochtones pour ce qui est de la démarcation et de l’enregistrement des territoires des peuples autochtones ;

c)Le mandat et la capacité limités de la Commission nationale chargée des populations autochtones ainsi que les doutes émis quant à sa capacité de fonctionner comme organisme véritablement indépendant pour promouvoir et protéger les droits des communautés culturelles autochtones et des peuples autochtones ;

d)Le fait que l’État partie ne respecte pas le droit des peuples autochtones de donner leur consentement exprimé librement, au préalable et éclairé pour tout changement dans l’utilisation de leurs terres et territoires ni ne traduit dans les faits la représentation obligatoire des peuples autochtones dans les organes décisionnels locaux ;

e)Le déplacement des peuples autochtones, en particulier de Mindanao, dû au conflit armé et aux conflits entre tribus ainsi qu’aux activités extractives et à l’exploitation forestière ;

f)L’accès limité des peuples autochtones aux soins de santé, à l’éducation et à d’autres services de base.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’appliquer pleinement la loi de 1997 sur les droits des peuples autochtones afin que, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les droits des peuples autochtones sur leurs terres, leurs territoires et leurs ressources soient pleinement reconnus et protégés et que leur consentement exprimé librement, au préalable et éclairé soit obtenu, concernant l’adoption de lois, politiques ou projets ayant une incidence sur leurs terres ou territoires et autres ressources ;

b) De faire une priorité de l’adoption du projet de loi sur l’utilisation des sols et de ratifier la Convention (no 169) de 1989 de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux ;

c) D’élargir le mandat et d’accroître la capacité de la Commission nationale chargée des peuples autochtones et de prendre toutes les mesures voulues pour accroître son indépendance et son efficacité, en vue de restaurer sa crédibilité auprès des peuples autochtones ;

d) De prendre les mesures nécessaires pour garantir l’enregistrement des terres autochtones, notamment en améliorant la procédure de réclamation collective des titres de propriété foncière ;

e) De garantir l’obtention du consentement exprimé librement, au préalable et éclairé des peuples autochtones concernés avant d’octroyer des licences à des entreprises privées ; et la représentation des peuples autochtones par des représentants qu’ils auront eux-mêmes choisis auprès des organes décisionnels locaux, tels que des conseils d’administration locaux d’entreprises minières et des unités de développement ;

f) D’adopter des mesures appropriées pour atténuer les répercussions, sur les peuples autochtones, des conflits armés, y compris les conflits entre tribus, et des catastrophes naturelles ;

g) De prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le plein accès des peuples autochtones aux soins de santé, à l’éducation et à d’autres services de base.

Maximum des ressources disponibles

Tout en prenant note de l’expansion ininterrompue de l’économie ces dernières années, le Comité s’inquiète du faible niveau global des dépenses publiques consacrées aux services sociaux, y compris le logement, la sécurité sociale, les soins de santé et l’éducation, malgré des augmentations dans certains domaines (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour accroître les fonds publics alloués aux services sociaux, en particulier dans les domaines du logement, de la sécurité sociale, des soins de santé et de l’éducation, et de prendre des mesures efficaces pour débloquer des fonds publics suffisants dans ces domaines.

Corruption

Tout en prenant note des efforts déployés par l’État partie pour combattre la corruption, y compris l’adoption du décret no 2 de 2016 sur le droit à l’information, l’adoption de la loi de 2015 sur la réforme du Sandiganbayan et le rôle important joué à cet égard par l’Ombudsman philippin dans l’application de la loi contre la corruption et la concussion, le Comité juge préoccupant que la corruption demeure omniprésente dans tous les secteurs de l’administration publique (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer la transparence, le sens des responsabilités et la participation dans la conduite des affaires publiques en appliquant dans son intégralité