Nations Unies

CRC/C/FRA/CO/6-7

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

4 décembre 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport de la France valant sixième et septième rapports périodiques *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport de la France valant sixième et septième rapports périodiques à ses 2702e et 2703e séances, les 9 et 10 mai 2023, et a adopté les présentes observations finales à sa 2728e séance, le 26 mai 2023.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de la France valant sixième et septième rapports périodiques, soumis au titre de la procédure simplifiée d’établissement des rapports, qui lui a permis de mieux appréhender la situation des droits de l’enfant dans l’État partie. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès réalisés par l’État partie

3.Le Comité prend note avec satisfaction des progrès réalisés par l’État partie dans différents domaines, notamment les mesures législatives et institutionnelles et les mesures de politique générale adoptées pour appliquer la Convention et les Protocoles facultatifs s’y rapportant, en particulier la création du poste de Secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, l’adoption en 2019 d’un nouveau Pacte pour l’enfance et l’adoption d’un certain nombre de stratégies et de plans d’action concernant les droits de l’enfant dans différentes sphères.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

4.Le Comité rappelle à l’État partie que tous les droits consacrés par la Convention sont indissociables et interdépendants et souligne l’importance de toutes les recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il appelle son attention sur les recommandations concernant les domaines ci-après, dans lesquels il est urgent de prendre des mesures : la maltraitance et la négligence (par. 26) ; l’exploitation sexuelle et les abus sexuels (par. 28) ; les enfants privés de milieu familial (par. 33) ; les enfants handicapés (par. 36) ; le niveau de vie (par. 42) ; les enfants demandeurs d’asile ou migrants (par. 45).

5. Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir la réalisation des droits de l ’ enfant conformément à la Convention, au Protocole facultatif concernant l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés et au Protocole facultatif concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, tout au long du processus d ’ application du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030 . Il le prie instamment de faire en sorte que les enfants participent activement à la conception et à l ’ application des politiques et des programmes les concernant qui visent à atteindre les 17 objectifs de développement durable.

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6))

Réserves

6. Conformément à ses recommandations précédentes , le Comité engage l ’ État partie à envisager de retirer sa réserve à l ’ article 30 de la Convention et sa déclaration relative à l ’ article 40.

Législation

7. Accueillant avec satisfaction la décision prise par l ’ État partie d ’ évaluer l ’ impact sur les jeunes de ses projets de lois et de réglementations, ainsi que la création de la Délégation aux droits des enfants de l ’ Assemblée nationale, le Comité recommande à l ’ État partie de réaliser systématiquement des études de l ’ impact de ses projets de loi sur les jeunes et de commencer à réaliser des études de l ’ impact de ses projets de loi sur les enfants. Il lui recommande également de soutenir la proposition de loi visant à créer une délégation aux droits des enfants au Sénat.

Politique et stratégie globales

8. Le Comité note que l ’ État partie a adopté plusieurs politiques, stratégies et plans d ’ action dans différents domaines, notamment la Stratégie nationale de prévention et de protection de l ’ enfance (2020-2022), la stratégie « 1 000 premiers jours » et le Plan de lutte contre les violences faites aux enfants (2020-2022), dans le cadre du Pacte pour l ’ enfance. À cet égard, il lui recommande :

a) De procéder à une évaluation de l ’ application de ses stratégies et de ses programmes ;

b) D ’ adopter, sur la base de cette évaluation, une politique intégrée, interdisciplinaire et globale relative aux droits de l ’ enfant, qui couvre tous les domaines visés par la Convention ;

c) D ’ élaborer une stratégie d ’ application de cette politique, et lui allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes.

Coordination

9. Le Comité accueille avec satisfaction la création du poste de Secrétaire d ’ État chargé de la protection de l ’ enfance et recommande à l ’ État partie de veiller à la coordination effective de ses activités dans le domaine des droits de l ’ enfant, en particulier dans le cadre d ’ une coordination interministérielle effective de l ’ application de ses politiques et de ses programmes en métropole et dans les territoires d ’ outre-mer, aux niveaux national et local.

Allocation de ressources

10. Prenant note des investissements publics importants réalisés dans le domaine de la protection de l ’ enfance et renvoyant à son observation générale n o 19 (2016) sur l ’ élaboration des budgets publics aux fins de la réalisation des droits de l ’ enfant, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ accroître les ressources allouées aux secteurs sociaux, notamment à la prévention, ainsi qu ’ aux enfants défavorisés, tels que les enfants roms, les enfants migrants, y compris les enfants demandeurs d ’ asile ou réfugiés, et les enfants vivant en Guyane, à Mayotte et dans les autres territoires d ’ outre-mer. À cet égard, l ’ État partie devrait envisager de créer un fonds national de péréquation des dépenses en faveur de la protection de l ’ enfance, afin d ’ aligner les ressources sur les besoins en la matière ;

b) De mettre en place une procédure d ’ élaboration du budget qui tienne dûment compte des besoins des enfants, fasse clairement apparaître les crédits consacrés à l ’ enfance dans les secteurs et organismes concernés et prévoie des indicateurs précis et un système de suivi ;

c) De contrôler et d ’ évaluer de manière effective l ’ efficacité, la pertinence et l ’ équité de la répartition des ressources consacrées à l ’ application de la Convention.

Collecte de données

11. Notant que, d ’ après les informations communiquées par l ’ État partie, l ’ Institut national de la statistique et des études économiques et les services statistiques des ministères sont les principaux producteurs de données permettant d ’ évaluer la démographie et les politiques publiques relatives à l ’ enfance, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De renforcer son système de collecte de données en veillant à ce que des données soient collectées dans tous les domaines visés par la Convention et les Protocoles facultatifs s ’ y rapportant et à ce qu ’ elles soient ventilées par âge, sexe, handicap, zone géographique, origine ethnique ou nationale et milieu socioéconomique , de manière à faciliter l ’ analyse de la situation de tous les enfants, en particulier des enfants en situation de vulnérabilité ;

b) De veiller à ce que des données et des indicateurs soient collectés de manière systématique, communiqués aux ministères concernés et aux collectivités régionales et locales compétentes et utilisés pour élaborer, contrôler et évaluer les politiques, programmes et projets visant à assurer l ’ application effective de la Convention.

Mécanisme de suivi indépendant

12. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts pour accroître les ressources humaines, techniques et financières mises à la disposition du Défenseur des droits, en particulier les ressources allouées à ses activités de protection et de promotion des droits de l ’ enfant, et pour renforcer la visibilité de ses travaux sur l ’ ensemble du territoire français. Il lui recommande également de continuer à consulter le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l ’ homme dans le cadre de ses travaux relatifs à l ’ enfance et de prendre dûment en considération leur avis.

Diffusion, sensibilisation et formation

13. Prenant note de la création récente du programme des jeunes ambassadeurs des droits, le Comité réitère ses recommandations précédentes . Il recommande en outre à l ’ État partie :

a) De sensibiliser le public et les enfants, en métropole et dans les territoires d ’ outre-mer, à la Convention et au Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications, notamment aux mécanismes prévus par celui-ci ;

b) De renforcer la formation des professionnels travaillant au contact ou au service d ’ enfants aux dispositions de la Convention et des Protocoles facultatifs s ’ y rapportant, notamment la formation de tous les professionnels de la protection de l ’ enfance en ce qui concerne la question de la traite des enfants.

Coopération internationale

14. Le Comité accueille avec satisfaction l ’ adoption de la loi n o 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui contribue à la promotion des droits de l ’ enfant dans le cadre des activités de l ’ État partie dans d ’ autres pays, et il recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires en vue de son application. À cet égard, le Comité prend note de l ’ impulsion politique que l ’ État partie donne aux initiatives internationales et du soutien financier qu ’ il leur apporte, et il lui recommande :

a) De continuer à donner la priorité aux droits de l ’ enfant et à les faire respecter au niveau international, tant dans le cadre de son action humanitaire et de son action dans le domaine du développement que dans ses accords diplomatiques bilatéraux et multilatéraux ;

b) D ’ augmenter le budget qu ’ il consacre au développement, afin que celui-ci représente au moins 0,7 % du revenu national brut ;

c) De procéder à une évaluation de l ’ impact sur les droits de l ’ enfant de sa politique internationale en matière de développement.

Droits de l’enfant et entreprises

15. Accueillant avec satisfaction la loi n o 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d ’ ordre et le Plan national d ’ action pour la mise en œuvre des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l ’ homme, adopté le 26 avril 2017, et renvoyant à son observation générale n o 16 (2013) sur les obligations des États concernant les incidences du secteur des entreprises sur les droits de l ’ enfant, le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les mesures visant à appliquer la loi et le Plan national d ’ action et de veiller à ce que les entreprises qui exercent leurs activités dans l ’ État partie ou depuis son territoire respectent les normes internationales et nationales relatives aux droits de l ’ homme, au travail et à l ’ environnement et d ’ autres normes, notamment en ce qui concerne les droits de l ’ enfant.

B.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

16.Le Comité rappelle ses recommandations précédentes et demande instamment à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour promouvoir une culture d ’ égalité, de tolérance et de respect mutuel, pour prévenir et combattre la discrimination persistante et pour que tous les cas de discrimination à l ’ égard des enfants, dans tous les secteurs de la société, soient dûment pris en considération. Il lui recommande de prendre des mesures concrètes pour lutter contre la discrimination à l ’ égard des enfants marginalisés ou défavorisés, en particulier les enfants vivant dans des squats ou d ’ autres logements informels, les enfants roms, les enfants handicapés, les enfants lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres ou intersexes , les enfants demandeurs d ’ asile, réfugiés ou migrants et les enfants appartenant à des minorités raciales, ethniques ou religieuses.

Intérêt supérieur de l’enfant

17. Le Comité prend note avec satisfaction de la reconnaissance par la Cour de cassation de l ’ applicabilité directe de l ’ article 3 (par. 1) et, renvoyant à son observation générale n o 14 (2013) sur le droit de l ’ enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, il recommande de nouveau à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour que ce droit soit convenablement intégré puis interprété et appliqué de manière cohérente dans toutes les procédures et décisions législatives, administratives et judiciaires, ainsi que dans toutes les politiques, programmes et projets concernant les enfants ou ayant un effet sur eux . À cet égard, l ’ État partie est invité à définir d es procédures et des critères propres à aider toutes les personnes en position d ’ autorité à déterminer l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant dans tous les domaines et à en faire une considération primordiale .

Droit à la vie, à la survie et au développement

18. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer à prendre des mesures pour appliquer son plan de lutte contre les violences faites aux enfants (2020-2022) et la loi n o 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, afin de prévenir les décès causés par la maltraitance d ’ enfants.

Respect de l’opinion de l’enfant

19. Renvoyant à son observation générale n o 12 (2009) sur le droit de l ’ enfant d ’ être entendu et prenant note des bonnes pratiques mises en place, telles que les échanges réguliers entre des délégations d ’ enfants et le Premier M inistre, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre des mesures propres à garantir l ’ application effective de sa législation et de ses politiques relatives au droit de l ’ enfant d ’ être entendu dans les procédures judiciaires le concernant, en particulier la Stratégie nationale de prévention et de protection de l ’ enfance (2020-2022), la circulaire du 19 avril 2017 relative à la protection judiciaire de l ’ enfant et la loi n o 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, notamment en mettant en place des systèmes ou des procédures pour garantir que les travailleurs sociaux et les tribunaux respectent ce droit ;

b) De veiller à l ’ utilisation systématique des salles dites « Mélanie », de continuer à développer le réseau des unités d ’ accueil pédiatrique enfance en danger, qui assurent le recueil de preuves auprès des enfants victimes et la prise en charge de ces enfants, et d ’ augmenter les financements publics alloués à ces initiatives ;

c) De dispenser une formation continue régulière et approfondie aux professionnels qui travaillent au contact ou au service d ’ enfants, notamment dans le système judiciaire, sur le droit de l ’ enfant d ’ être entendu, et de mettre en place des programmes de sensibilisation du public ;

d) D ’ encourager la participation effective et active de tous les enfants dans la famille, dans la communauté et à l ’ école et d ’ améliorer la participation des enfants au contrôle, à l ’ application et à l ’ évaluation des décisions, des politiques et des programmes publics qui les concernent ;

e) De renforcer les organismes composés d ’ enfants, tels que les conseils d ’ enfants, le Parlement des enfants, le Conseil d ’ orientation des politiques de jeunesse et le Conseil de l ’ enfance et de l ’ adolescence du Haut Conseil de la famille, de l ’ enfance et de l ’ âge, et de veiller à ce qu ’ ils soient dotés d ’ un véritable mandat ainsi que de ressources humaines, techniques et financières suffisantes, afin de faciliter la participation effective des enfants aux processus législatifs nationaux portant sur des questions qui les concernent.

C.Libertés et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)

Enregistrement des naissances, nationalité et droit à l’identité

20. Rappelant la cible 16.9 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De poursuivre ses efforts pour améliorer l ’ enregistrement des naissances dans les territoires d ’ outre-mer ;

b) De faire en sorte que les enfants conçus par procréation médicalement assistée aient accès à des informations sur leurs origines avant l ’ âge de 18 ans, dès lors qu ’ ils en font la demande ;

c) De réexaminer le régime spécial d ’ acquisition de la nationalité française pour les enfants qui vivent à Mayotte et d ’ envisager de ratifier la Convention européenne sur la nationalité et la Convention du Conseil de l ’ Europe sur la prévention des cas d ’ apatridie en relation avec la succession d ’ États.

Droit à la protection de la vie privée

21.Tout en notant que la loi n o 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique consacre le droit des enfants à l ’ oubli numérique, le Comité recommande à l ’ État partie de sensibiliser le public, en particulier les enfants, à ce droit sur Internet et d ’ en contrôler le respect. Il prend note de l ’ adoption de la loi n o 2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l ’ exploitation commerciale de l ’ image d ’ enfants de moins de 16  ans sur les plateformes en ligne et recommande à l ’ État partie de renforcer l ’ application de cette loi et l ’ éducation numérique à l ’ école, en les intégrant aux programmes scolaires et en formant les enseignants à l ’ utilisation des nouvelles technologies. Il lui recommande également de veiller à ce que l ’ application de la loi n o 2022-300 du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d ’ accès à Internet respecte totalement le droit des enfants à la protection de leur vie privée.

Accès à une information appropriée

22. Le Comité prend note des informations communiquées par l ’ État partie sur la signature par le Gouvernement et les entreprises de radiodiffusion et de communication d ’ un protocole d ’ engagements sur le contrôle parental et recommande à l ’ État partie de renforcer l ’ application de l ’ article 227-24 du Code pénal, de sanctionner les sites Web qui donnent accès à des contenus pornographiques sous réserve d ’ une simple déclaration d ’ âge et de bloquer les sites Web et les réseaux qui donnent accès à des contenus pornographiques sans vérification de l ’ âge des utilisateurs. Il lui recommande également de veiller à la disponibilité et à l ’ accessibilité d ’ informations adéquates et adaptées à l ’ âge des enfants sur les questions relatives aux droits de l ’ enfant et sur les services existants.

D.Violence à l’égard des enfants (art. 19, 24 (par. 3), 28 (par. 2), 34, 37 (al. a)) et 39)

Peines ou traitements cruels ou dégradants

23. Renvoyant à son observation générale n o 13 (2011) sur le droit de l ’ enfant d ’ être protégé contre toutes les formes de violence et rappelant la cible 16.2 des objectifs de développement durable, le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De poursuivre ses efforts pour mettre fin aux violences à l ’ égard des enfants ayant un handicap intellectuel ou psychosocial , de mettre en place un système de contrôle des services psychiatriques fournis aux enfants handicapés et d ’ intégrer cette question dans la prochaine stratégie nationale pour l ’ autisme, la stratégie précédente s ’ étant achevée en 2022 ;

b) De renforcer les mesures visant à faire en sorte que les enfants non accompagnés en transit, en particulier dans le département du Pas-de-Calais, ne vivent pas dans des conditions cruelles ou dégradantes, que leurs abris ne soient pas détruits, que la police ne fasse pas un usage disproportionné de la force contre eux ou qu ’ ils ne pâtissent pas d ’ une absence de mesures de protection.

Châtiments corporels

24. S ’ il prend note avec satisfaction de l ’ adoption de la loi n o 2019-721 du 10 juillet 2019, qui interdit les violences éducatives ordinaires et modifie l ’ article 371-1 du Code civil de manière qu ’ il dispose que l ’ autorité parentale doit s ’ exercer sans violences physiques ou psychologiques, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ étendre l ’ interdiction de ces violences à ses territoires d ’ outre-mer, en particulier Saint ‑ Pierre ‑ et-Miquelon. Il lui recommande également d ’ appliquer l ’ interdiction dans tous les contextes, notamment à la maison et à l ’ école, et de promouvoir des formes positives, participatives et non violentes d ’ éducation et de discipline.

Maltraitance et négligence

25.Le Comité prend note du Plan de lutte contre les violences faites aux enfants (2020‑2022), mais regrette que ce plan, tout comme les précédents, n’ait pas fait l’objet d’une évaluation fondée sur des données et des recherches complémentaires sur la violence intrafamiliale à l’égard des enfants. Il note avec une vive préoccupation que la violence intrafamiliale à l’égard des enfants, y compris les jeunes enfants, aurait augmenté pendant le confinement mis en place face à la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) et que les mesures prises pour prévenir les violences de ce type ont été tardives et inefficaces, en raison d’un manque de coordination et de communication entre les organismes compétents.

26. Renvoyant à son observation générale n o 13 (2011) sur le droit de l ’ enfant d ’ être protégé contre toutes les formes de violence et rappelant la cible 16.2 des objectifs de développement durable, le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De réaliser une évaluation des plans de lutte contre les violences faites aux enfants, notamment en collectant des données sur tous les cas de violence intrafamiliale à l ’ égard des enfants, afin d ’ éclairer l ’ élaboration et l ’ adoption d ’ un nouveau plan d ’ action, et de procéder à une évaluation complète de l ’ ampleur, des causes et de la nature des violences de ce type ;

b) De renforcer encore les programmes et les campagnes de sensibilisation et d ’ éducation, notamment ceux qui portent sur l ’ utilisation du numéro d ’ appel national 119 pour la protection de l ’ enfance, en y associant les enfants, afin de simplifier le signalement des cas de violences faites aux enfants ;

c) D ’ accroître les ressources humaines, techniques et financières consacrées à la prévention de la violence, de définir de manière claire les compétences des différents acteurs de la protection de l ’ enfance, dont les mandats se recoupent à des degrés divers, et d ’ assurer une coordination et une communication efficaces entre ces acteurs.

Exploitation sexuelle et abus sexuels

27.Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, qui instaure un mécanisme de prolongation du délai de prescription pour les infractions commises par un même auteur au préjudice de plusieurs victimes, ainsi que de la création et des travaux de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants et de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église. Cependant, il reste vivement préoccupé par les informations relatives :

a)Au nombre particulièrement faible de condamnations dans les affaires d’abus sexuels perpétrés par des membres du personnel religieux de l’Église catholique compte tenu de l’ampleur présumée des abus, et au faible nombre d’indemnisations accordées aux victimes ;

b)À l’absence d’approche multisectorielle adaptée aux enfants dans les enquêtes portant sur des abus sexuels sur enfants, notamment dans les cas dans lesquels l’auteur présumé fait partie du cercle de confiance de l’enfant, par exemple lorsqu’il s’agit d’un membre du personnel religieux de l’Église catholique ;

c)Au fait que les délais de prescription applicables sont courts, alors que certaines infractions ont été commises il y a plusieurs dizaines d’années ;

d)Au caractère limité des mesures prises pour lutter contre l’exploitation sexuelle d’enfants et les abus sexuels sur enfants en ligne ;

e)À l’absence générale de données sur les cas d’abus sexuels sur enfants.

28. Le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De poursuivre ses efforts pour que tous les abus sexuels sur des enfants de moins de 18 ans, notamment les abus perpétrés par des personnes de confiance, telles que des membres du personnel religieux de l ’ Église catholique, soient signalés, fassent l ’ objet d ’ une enquête et donnent lieu à des poursuites ;

b) D ’ adopter une approche multisectorielle adaptée aux enfants dans le cadre des enquêtes sur les abus sexuels sur enfants, notamment en évitant la réactivation du traumatisme des victimes au moyen de techniques d ’ entretien médico ‑ légal fondées sur des preuves et de thérapies adaptées axées sur les traumatismes ;

c) De continuer de veiller à ce que les enregistrements audiovisuels soient systématiquement acceptés comme preuves devant les tribunaux et d ’ envisager de mettre en place un dispositif permettant de procéder sans délai à un contre ‑ interrogatoire, au stade de l ’ instruction, afin que les enfants victimes n ’ aient pas à témoigner devant le tribunal ;

d) De veiller à ce que les enfants victimes d ’ abus sexuels aient accès à des voies de recours et des mesures de soutien appropriées et soient indemnisés de manière adéquate ;

e) De renforcer les mesures visant à protéger les enfants de plus de 15 ans qui sont ou risquent d ’ être victimes d ’ exploitation sexuelle ;

f) De donner suite aux conclusions de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l ’ Église et de l ’ Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation, mise en place par des institutions religieuses, et de procéder, si nécessaire, à une enquête étatique indépendante sur les violations ;

g) De supprimer les délais de prescription applicables aux abus sexuels sur enfants ;

h) De redoubler d ’ efforts pour détecter les cas d ’ exploitation sexuelle d ’ enfants et d ’ abus sexuels sur enfants en ligne, enquêter sur ces infractions et les combattre ;

i) De veiller à ce que des données soient collectées sur tous les cas d ’ exploitation sexuelle d ’ enfants et d ’ abus sexuels sur enfants.

Abus sexuels commis par des militaires français

29. Le Comité est préoccupé par la lenteur des enquêtes concernant les accusations d ’ exploitation sexuelle et d ’ abus sexuels visant des militaires français déployés à l ’ étranger et par l ’ absence de suivi en la matière et regrette que l ’ État partie n ’ ait pas fourni suffisamment d ’ informations sur l ’ issue des procédures engagées en réponse aux accusations formulées en République centrafricaine, lesquelles procédures ont été classées sans suite. Il recommande à l ’ État partie de veiller à ce que l ’ enquête ouverte en 2016 soit conclue sans plus tarder. Il lui recommande également d ’ apporter un soutien constant, notamment un soutien psychosocial , aux enfants victimes et de leur accorder des indemnisations financières et d ’ autres types de réparation, et de renforcer les mesures de prévention pour faire en sorte que les droits des enfants soient respectés et protégés.

Pratiques préjudiciables

30. Prenant note du premier Plan national d ’ action visant à éradiquer les mutilations sexuelles féminines (2019-2022), le Comité renvoie à la recommandation générale n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et à l ’ observation générale n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques préjudiciables, adoptées conjointement (2019), rappelle la cible 5.3 des objectifs de développement durable et recommande à l ’ État partie :

a) De poursuivre ses efforts pour éliminer les mutilations génitales féminines, en évaluant l ’ application du premier Plan national d ’ action et en continuant de sensibiliser les filles qui risquent de subir de telles mutilations, les communautés, les professionnels de la santé, les travailleurs sociaux, les policiers, les gendarmes, les juges et les procureurs ;

b) De fournir des services sociaux, médicaux et psychologiques adéquats, des services d ’ accompagnement et un soutien aux enfants intersexes et à leur famille, de veiller à ce que le consentement des enfants soit demandé, dans toute la mesure possible, lors de la prise de décisions concernant leur traitement et leur prise en charge et à ce qu ’ aucun enfant ne soit soumis à une intervention chirurgicale ou à un traitement non nécessaires ;

c) De sensibiliser et de former les médecins et les psychologues à la diversité sexuelle et à ses aspects biologiques et physiques et aux conséquences que peuvent avoir pour les enfants intersexes des interventions chirurgicales et autres traitements médicaux non nécessaires.

E.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 (par. 1 et 2), 20, 21, 25 et 27 (par. 4))

Milieu familial

31. Le Comité prend note de l ’ adoption de la Stratégie nationale de soutien à la parentalité (2018-2022) et recommande à l ’ État partie :

a) De prendre des mesures pour évaluer l ’ application de la Stratégie et renforcer la coordination et la visibilité des systèmes de soutien à la parentalité sur l ’ ensemble de son territoire ;

b) De continuer à augmenter les fonds alloués aux interventions précoces et au soutien aux familles en situation difficile, en particulier les familles monoparentales, les familles isolées et les familles qui vivent dans la précarité, et dispenser une formation appropriée aux travailleurs sociaux, aux juges et aux autres professionnels concernés ;

c) De remplacer dans sa législation et ses politiques l ’ expression « autorité parentale » par « responsabilité parentale » ou un terme similaire, dans le respect d ’ une approche fondée sur les droits de l ’ enfant.

Enfants privés de milieu familial

32.Le Comité regrette l’insuffisance des mesures prises pour favoriser la désinstitutionnalisation et pour garantir la sécurité des enfants placés en institution et le respect de leurs droits. Il note en outre avec une vive préoccupation :

a)Que les décisions concernant le placement d’enfants sont prises sans la participation préalable des familles ;

b)Que le placement des enfants en famille d’accueil perturbe la vie des enfants concernés et que les enfants changent fréquemment de famille d’accueil, sans que leur attachement à leurs parents d’accueil soit pris en considération ;

c)Que l’exécution des décisions de justice portant sur la protection d’enfants vivant dans la précarité est excessivement lente ;

d)Que des cas de violence, de mauvais traitements et de négligence à l’égard d’enfants placés en institution, en particulier de jeunes enfants, ont été signalés ;

e)Que les « projets pour l’enfant » prévus par la loi du 14 mars 2016 ne sont pas mis en œuvre dans certaines régions de l’État partie.

33. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur les Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants et lui demande instamment :

a) De veiller à ce que les décisions de justice portant sur la protection des enfants vivant dans la précarité et dans des conditions dangereuses soient exécutées immédiatement afin d ’ éviter des effets irréversibles sur la santé physique et mentale des enfants ;

b) De mettre au point, compte tenu des besoins et de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant, des garanties adéquates et des critères clairs pour déterminer si un enfant devrait faire l ’ objet d ’ une protection de remplacement, en tenant compte de ses liens affectifs ;

c) De faciliter la prise en charge des enfants en milieu familial chaque fois que cela est possible, et de développer le système des familles d ’ accueil pour les enfants qui ne peuvent rester dans leur famille ;

d) De veiller à ce que l ’ Observatoire national de la protection de l ’ enfance et les observatoires départementaux de la protection de l ’ enfance collectent des données actualisées et publient régulièrement les délais d ’ exécution des décisions judiciaires par les départements ;

e) De procéder à un examen périodique des placements en famille d ’ accueil ou en institution et de contrôler la qualité de la prise en charge dans ces cadres, notamment en instaurant des mécanismes accessibles et adaptés aux enfants permettant de signaler les cas de maltraitance d ’ enfants, d ’ assurer le suivi de ces cas et d ’ y remédier ;

f) De mener rapidement des enquêtes efficaces sur toutes les accusations de violence, de mauvais traitements et de négligence à l ’ égard d ’ enfants placés en institution, en accordant une attention particulière aux jeunes enfants, et de traduire les responsables en justice ;

g) D ’ étendre l ’ application des « projets pour l ’ enfant» prévus par la loi du 14 mars 2016 à l ’ ensemble de son territoire.

Adoption internationale

34. Prenant note des études et recherches récentes, en particulier de l ’ Étude historique sur les pratiques illicites dans l ’ adoption internationale en France, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que le principe de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant soit la considération primordiale en matière d ’ adoption internationale et de prévenir l ’ enlèvement, la vente et la traite d ’ enfants ;

b) De veiller à ce que tous les enfants, y compris ceux qui ont été adoptés il y a longtemps, bénéficient d ’ une aide pour obtenir des informations sur leurs origines.

F.Enfants handicapés (art. 23)

35.Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, qui prévoit le renforcement de l’éducation inclusive pour les enfants handicapés, et de la mise en ligne de la plateforme « Cap école inclusive » à la rentrée 2019. Néanmoins, malgré l’augmentation du nombre d’enfants handicapés scolarisés dans les écoles ordinaires, il note avec une vive préoccupation :

a)Que le nombre de professionnels chargés d’aider les enfants handicapés à l’école reste insuffisant ;

b)Que, malgré un gel récent, un certain nombre d’enfants continuent de recevoir une assistance dans des pays voisins ;

c)Que les enfants handicapés continuent de subir des discriminations, notamment à l’école, en raison de l’insuffisance des aménagements raisonnables, en particulier dans les territoires d’outre-mer et les zones rurales ;

d)Que des enfants handicapés, en particulier les enfants ayant des troubles du spectre autistique, continuent d’être placés en institution ;

e)Que les efforts déployés pour assurer le diagnostic précoce des enfants handicapés, en particulier des enfants ayant des troubles du spectre autistique, demeurent insuffisants.

36. Renvoyant à son observation générale n o 9 (2006) sur les droits des enfants handicapés, le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) D ’ adopter une approche du handicap fondée sur les droits de l ’ homme et d ’ élaborer une stratégie globale pour l ’ inclusion des enfants handicapés ;

b) D ’ augmenter le nombre d ’ enseignants spécialisés et de professionnels travaillant dans des classes intégrées et de renforcer leur formation, afin que les enfants ayant des difficultés d ’ apprentissage bénéficient d ’ un soutien individualisé et reçoivent toute l ’ attention nécessaire, y compris en développant l ’ utilisation de la plateforme « Cap école inclusive » sur l ’ ensemble de son territoire ;

c) De prendre des mesures pour promouvoir et assurer l ’ inclusion des enfants handicapés dans tous les domaines de la vie et améliorer l ’ accessibilité des écoles inclusives, en particulier dans les territoires d ’ outre-mer et les zones rurales ;

d) De prendre des mesures pour faire baisser le nombre d ’ enfants handicapés placés en institution et assurer un contrôle régulier de ces institutions ;

e) De prendre immédiatement des mesures pour que les enfants handicapés, en particulier les enfants ayant des troubles du spectre autistique, aient accès aux soins de santé, y compris aux programmes de dépistage et d ’ intervention précoces.

G.Santé de base et protection sociale (art. 6, 18 (par. 3), 24, 26, 27 (par. 1 à 3) et 33)

Santé et services de santé

37. Prenant note de la stratégie « 1 000 premiers jours », qui couvre les soins prénatals et postnatals visant à protéger la mère et l ’ enfant, le Comité renvoie à son observation générale n o 15 (2013) sur le droit de l ’ enfant de jouir du meilleur état de santé possible, rappelle les cibles 3.1 et 3.2 des objectifs de développement durable et recommande à l ’ État partie :

a) D ’ appliquer la stratégie « 1 000 premiers jours » sur la base d ’ objectifs réalistes et réalisables ;

b) De mettre en place un soutien approprié pour que les enfants nés dans les familles les plus défavorisées bénéficient d ’ un environnement physiquement et émotionnellement stimulant et sûr ;

c) De redoubler d ’ efforts pour réduire les disparités existantes dans l ’ accès des enfants et des mères aux services de santé dans les territoires d ’ outre-mer ;

d) De remédier aux carences en matière de ressources et de personnel médical, de services et de structures, en particulier dans les écoles et les centres de protection maternelle et infantile, et de prendre en considération les besoins particuliers des enfants, en particulier des enfants qui vivent dans les territoires d ’ outre-mer ou dans des établissements informels.

Santé mentale

38. Rappelant la cible 3.4 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De réaliser une étude sur l ’ épidémiologie des problèmes de santé mentale chez les enfants et d ’ élaborer une stratégie nationale pour la santé mentale des enfants, axée particulièrement sur les enfants en situation de vulnérabilité, notamment les enfants en contact avec le système judiciaire et les enfants relevant du système de protection de la jeunesse ;

b) De mettre en place des garanties relatives à l ’ hospitalisation des enfants dans des établissements de santé mentale, d ’ interdire le placement d ’ enfants en chambre d ’ isolement et dans les unités pour adultes des établissements de santé mentale, de développer les services ambulatoires et les centres polyvalents de pédopsychiatrie, et d ’ augmenter le nombre de services de pédopsychiatrie et d ’ accroître les ressources dont ils disposent ;

c) De réaliser une analyse de situation afin de détecter et de recenser les facteurs de risque associés au suicide, en particulier chez les adolescents, et de veiller à la mise en place de services de prévention efficaces, notamment de services de santé mentale ;

d) De continuer à renforcer les mesures de lutte contre l ’ insomnie chez les enfants ;

e) D ’ augmenter le nombre de professionnels qui travaillent dans le domaine de la santé mentale des enfants, tels que les pédopsychiatres et les pédopsychologues.

Santé des adolescents

39. Renvoyant à ses observations générales n o 4 (2003) sur la santé et le développement de l ’ adolescent dans le contexte de la Convention et n o 20 (2016) sur la mise en œuvre des droits de l ’ enfant pendant l ’ adolescence, le Comité prend note de l ’ adoption de la Stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030 et recommande à l ’ État partie de renforcer l ’ application de cette Stratégie et de la loi du 4 juillet 2001, qui prévoit une éducation à la santé et à la sexualité dans les écoles. Il lui recommande également d ’ assurer régulièrement le suivi et l ’ évaluation de la fréquence et de la qualité de cet enseignement sur l ’ ensemble de son territoire.

Incidences des changements climatiques sur les droits de l’enfant

40. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur la cible 13.3 des objectifs de développement durable et lui recommande d ’ adopter et d ’ appliquer des cibles plus ambitieuses en matière d ’ atténuation des incidences des changements climatiques, ainsi que de mieux sensibiliser et préparer les enfants aux changements climatiques et aux catastrophes naturelles en intégrant ces questions dans les programmes scolaires et les programmes de formation des enseignants, notamment dans les territoires d ’ outre-mer, qui sont particulièrement vulnérables aux conséquences des changements climatiques. Il recommande également à l ’ État partie de tenir compte de l ’ opinion des enfants lorsqu ’ il élabore des politiques ou des programmes portant sur les questions relatives aux changements climatiques et à la gestion des risques de catastrophe.

Niveau de vie

41.Le Comité prend note de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (2018-2022), mais regrette que l’État partie n’ait pas communiqué suffisamment d’informations au sujet de l’impact de cette stratégie sur la réduction de la pauvreté, en particulier chez les enfants. Il prend également note du Plan quinquennal pour le logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme (2018-2022), mais demeure préoccupé par :

a)La situation du nombre croissant d’enfants et de familles vivant dans la pauvreté, qui ont été les plus touchés par la pandémie de COVID-19, en particulier les enfants de familles monoparentales, les enfants vivant dans des bidonvilles et les enfants vivant dans des structures d’hébergement d’urgence pendant de longues périodes ;

b)Les écarts importants de niveau de vie entre la métropole et les territoires d’outre-mer, en particulier Mayotte ;

c)L’accès limité à l’eau potable et la pollution de l’eau par le chlordécone dans certains territoires d’outre-mer, en particulier la Guadeloupe, qui contribuent à la situation d’urgence de santé publique ;

d)L’aide limitée apportée aux familles qui vivent dans la pauvreté et ont des enfants atteints de maladies chroniques.

42. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur la cible 1.3 des objectifs de développement durable et lui recommande :

a) D ’ éradiquer la pauvreté touchant les enfants sur l ’ ensemble de son territoire et d ’ allouer les ressources humaines, techniques et financières nécessaires aux programmes visant à soutenir les enfants et les familles les plus démunis, en particulier les enfants et les familles touchés par la pandémie de COVID-19 qui vivent dans la pauvreté, les enfants de familles monoparentales, les enfants vivant dans des bidonvilles, les enfants vivant dans les territoires d ’ outre-mer et les enfants migrants non accompagnés ;

b) D ’ accroître l ’ offre de logements sociaux pour les familles les plus précaires et de développer des structures de transition adaptées aux familles ayant des enfants ;

c) D ’ adopter un programme pluriannuel pour le logement et l ’ hébergement axé particulièrement sur les enfants et les familles ;

d) D ’ assurer aux enfants de métropole et des territoires d ’ outre-mer, notamment de Mayotte, un niveau de vie suffisant, d ’ approvisionner d ’ urgence la population guadeloupéenne en eau potable, dans l ’ attente de la réfection effective et complète des réseaux d ’ eau et d ’ assainissement, et d ’ accorder des mesures de réparation et d ’ indemnisation à tous les enfants qui ont subi un préjudice, en particulier les enfants concernés par la contamination au chlordécone ;

e) D ’ apporter l ’ aide nécessaire aux familles ayant des enfants atteints de maladies chroniques , notamment en garantissant des congés payés et une aide financière aux parents qui s ’ occupent de ces enfants.

H.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28 à 31)

Éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles

43. Prenant note des mesures visant à faire baisser les taux d ’ abandon scolaire et à lutter contre le harcèlement à l ’ école et rappelant la cible 4.1 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ améliorer l ’ accessibilité et la qualité de l ’ éducation pour les enfants défavorisés ou marginalisés, notamment les enfants roms, les enfants migrants non accompagnés et les enfants vivant dans des logements précaires, qui rencontrent de nombreuses difficultés lorsqu ’ ils veulent s ’ inscrire dans des écoles ordinaires et accéder aux cantines scolaires ;

b) De prendre les mesures nécessaires pour améliorer les taux de scolarisation et de fréquentation scolaire dans les territoires d ’ outre-mer, en particulier à Mayotte et en Guyane ;

c) De prévenir l ’ abandon scolaire et l ’ absentéisme des enfants de plus de 15 ans, en particulier des enfants étrangers, en Guyane, notamment en proposant des cours adaptés aux besoins et aux aspirations des enfants des territoires isolés et en fournissant un hébergement adéquat aux enfants qui en ont besoin ;

d) De réglementer le fonctionnement des écoles ad hoc et de contrôler la qualité et le contenu de l ’ enseignement qu ’ elles dispensent ;

e) D ’ élaborer et de promouvoir une formation professionnelle de qualité pour améliorer les compétences des enfants et des jeunes, en particulier de ceux qui ont abandonné l ’ école ;

f) De veiller à ce que l ’ administration scolaire et les professionnels qui travaillent dans les écoles ne communiquent pas les données personnelles des enfants et de leurs familles à des tiers ;

g) De redoubler d ’ efforts pour former les professionnels de l ’ éducation à la détection du harcèlement scolaire et du harcèlement en ligne et au comportement à adopter en pareille situation, et de diffuser des outils pour promouvoir la prévention de tels actes.

I.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 (al. b) à d)) et 38 à 40)

Enfants demandeurs d’asile ou migrants

44.Le Comité regrette qu’en dépit de ses recommandations précédentes, la situation des enfants demandeurs d’asile ou migrants n’ait pas évolué. Il reste préoccupé par le fait que l’État partie ne prend pas suffisamment en considération l’intérêt supérieur de l’enfant, qui devrait être un principe directeur dans tous les processus d’évaluation initiale et les arrangements ultérieurs. Il est en particulier vivement préoccupé par :

a)Le fait que des familles avec enfants et des enfants non accompagnés continuent d’être placés en détention dans les zones d’attente des aéroports et dans d’autres centres de détention administrative, dans de mauvaises conditions, non adaptées aux enfants sans contrôle judiciaire ou administratif ;

b)Les pratiques arbitraires de détermination de l’âge, notamment le fait que les examens osseux continuent d’être utilisés, bien qu’ils comportent une marge d’erreur importante, comme l’a confirmé le Conseil constitutionnel, et l’application arbitraire de la notion de « minorité manifeste ».

c)L’accès insuffisant des enfants non accompagnés aux services de protection de l’enfance, à une représentation en justice, à un soutien psychologique, à une assistance sociale, aux soins de santé, à l’éducation et à un hébergement, en particulier dans les départements du Pas-de-Calais et du Nord ;

d)Les informations selon lesquelles des enfants non accompagnés sont détenus avec des adultes et des enfants non accompagnés sont expulsés de l’État partie sur la base de décisions administratives.

45. Renvoyant à son observation générale n o 6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d ’ origine et aux observations générales conjointes n o s 3 et 4 du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n o s 22 et 23 du Comité des droits de l ’ enfant (2017) sur les droits de l ’ homme des enfants dans le contexte des migrations internationales, le Comité demande instamment à l ’ État partie de prendre immédiatement les mesures suivantes :

a) Mettre un terme au placement d ’ enfants en détention pour des motifs liés à l ’ immigration, notamment dans les zones d ’ attente des aéroports, en vue d ’ abolir cette pratique. L ’ obligation de ne pas priver un enfant de liberté s ’ étend aux parents de l ’ enfant et impose aux autorités de privilégier des solutions non privatives de liberté pour toute la famille ;

b) Faire en sorte que toutes les mesures de substitution à la détention d ’ enfants fassent l ’ objet de garanties strictes et d ’ un contrôle externe et indépendant efficace ;

c) Faire en sorte que la procédure de détermination de l ’ âge soit conforme au principe de présomption de minorité et donner à la personne concernée la possibilité de contester le résultat de la détermination de l ’ âge dans le cadre d ’ une procédure judiciaire. Pendant la durée de la procédure, la personne concernée doit se voir accorder le bénéfice du doute, être traitée comme un enfant et être maintenue dans le système de protection de l ’ enfance ;

d) Mettre fin à l ’ utilisation des tests osseux comme méthode de détermination de l ’ âge des enfants au profit d ’ autres méthodes qui s ’ avèrent plus précises, notamment la reconnaissance et la reconstitution des documents d ’ état civil ;

e) Renforcer les actions de sensibilisation, en particulier dans les départements du Pas-de-Calais et du Nord, fournir des informations et des conseils aux enfants non accompagnés, fournir des solutions d ’ hébergement et adapter les services de protection de l ’ enfance aux besoins spécifiques de la région ;

f) Allouer, sur l ’ ensemble de son territoire, des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à la prestation d ’ un appui spécialisé adapté aux enfants, à des services de protection, de représentation en justice et d ’ assistance sociale et à l ’ éducation et la formation professionnelle pour les enfants migrants non accompagnés, et renforcer les capacités des forces de l ’ ordre à cet égard ;

g) Faire en sorte que l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant soit une considération primordiale dans tous les accords et décisions concernant des enfants demandeurs d ’ asile ou migrants.

Enfants dans les conflits armés

46. Le Comité prend note avec satisfaction du rapatriement d ’ un nombre important d ’ enfants depuis les camps de la République arabe syrienne et recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour rapatrier dès que possible les enfants français qui se trouvent encore dans des camps et des lieux de détention en République arabe syrienne, et de continuer à offrir aux enfants rapatriés des services de réadaptation et de réintégration adaptés.

Administration de la justice pour enfants

47. Prenant note de l ’ adoption du nouveau Code de la justice pénale des mineurs en 2021 et renvoyant à son observation générale n o 24 (2019) sur les droits de l ’ enfant dans le système de justice pour enfants, le Comité demande instamment à l ’ État partie de mettre son système de justice pour enfants en pleine conformité avec la Convention et les autres normes applicables. En particulier, il lui demande instamment :

a) De porter l ’ âge minimum de la responsabilité pénale à 14 ans au moins et de veiller à ce qu ’ aucun enfant en deçà de cet âge ne puisse être tenu pénalement responsable, conformément à l ’ observation générale n o 24 (2019) ;

b) De veiller à ce que toutes les affaires concernant des personnes de moins de 18 ans, y compris des personnes de plus de 16 ans, soient traitées par un tribunal spécialisé pour enfants et par des juges spécialement formés ;

c) De promouvoir le recours à des mesures non judiciaires, telles que des mesures de déjudiciarisation, de médiation et d ’ accompagnement, pour les enfants accusés d ’ infractions pénales et, lorsque cela est possible, d ’ appliquer aux enfants des peines non privatives de liberté, telles que la mise à l ’ épreuve ou les travaux d ’ intérêt général ;

d) De veiller à ce que la détention soit une mesure de dernier recours, imposée pour la période la plus courte possible, et que l ’ opportunité d ’ y mettre fin soit régulièrement examinée ;

e) De faire en sorte, dans les rares cas où la privation de liberté est justifiée en tant que mesure de dernier recours, qu ’ il s ’ agisse d ’ une détention avant jugement ou d ’ une sanction, que les enfants, en particulier les filles, ne soient pas détenus dans les mêmes établissements pénitentiaires que les adultes et que les conditions de détention soient adaptées aux enfants et conformes aux normes internationales ;

f) De limiter le recours à la détention provisoire pour les enfants et de fixer une durée maximale ;

g) De détecter les actes de violence de manière systématique, notamment au moyen de mécanismes de signalement des violences facilement accessibles aux enfants privés de liberté et de mettre en place des outils et des politiques visant à réduire la violence dans les lieux de privation de liberté ;

h) De veiller à ce que le r apport d ’ évaluation sur la mise en œuvre du Code de la justice pénale des mineurs de 2021, que le Gouvernement doit publier en septembre 2023, comporte une évaluation et une analyse de l ’ impact du Code sur la réadaptation, la prise en charge et l ’ éducation des enfants et sur le taux d ’ incarcération des enfants, et d ’ examiner à nouveau la possibilité de rassembler toutes les lois concernant les enfants dans un code global de l ’ enfance.

J.Suite donnée aux précédentes observations finales et recommandations du Comité portant sur l’application des Protocoles facultatifs à la Convention

Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

48. Le Comité prend note avec satisfaction du lancement du premier plan de lutte contre la prostitution des mineurs, le 15 novembre 2021, et, renvoyant à ses Lignes directrices concernant l ’ application du Protocole facultatif , adoptées en 2019, recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que la législation nationale comporte une définition de l ’ expression « vente d ’ enfants » ;

b) D ’ accélérer la mise en place d ’ un mécanisme national d ’ identification et d ’ orientation des victimes d ’ infractions visées par le Protocole facultatif, y compris celles commises en ligne ;

c) De veiller à l ’ application effective de la loi n o 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d ’ ordre en ce qui concerne les infractions visées par le Protocole facultatif et d ’ adopter des dispositions relatives à la responsabilité des personnes morales.

Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

49.Le Comité prend note des informations fournies par l ’ État partie selon lesquelles le fait de procéder à la conscription ou à l ’ enrôlement d ’ enfants dans les forces armées ou dans des groupes armés, y compris en cas d ’ enrôlement volontaire d ’ enfants de moins de 15 ans, ou de faire participer activement des enfants de moins de 15 ans à des hostilités, est puni de vingt ans de réclusion criminelle. Il recommande à l ’ État partie de relever officiellement l ’ âge minimum pour tout enrôlement dans les forces armées, en vue de retirer sa déclaration à cet égard. Il recommande également à l ’ État partie d ’ établir sa compétence extraterritoriale pour les crimes visés par le Protocole facultatif.

K.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

50. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, afin de renforcer encore le respect des droits de l ’ enfant.

L.Coopération avec les organismes régionaux

51. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer à coopérer avec le Conseil de l ’ Europe en vue d ’ appliquer la Convention et d ’ autres instruments relatifs aux droits de l ’ homme, tant sur son territoire que dans d ’ autres États membres du Conseil.

IV.Application des recommandations et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

52. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement appliquées. Il recommande également que le rapport valant sixième et septième rapport s périodiques et les présentes observations finales soient largement diffusés dans les langues du pays.

B.Mécanisme national d’établissement des rapports et de suivi

53. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer sa structure permanente chargée de coordonner et d ’ élaborer les rapports devant être soumis aux mécanismes internationaux et régionaux des droits de l ’ homme et de nouer un dialogue avec ces mécanismes, et de coordonner et suivre l ’ exécution des obligations conventionnelles et l ’ application des recommandations et des décisions émanant desdits mécanismes. Il souligne que cette structure devrait être appuyée de manière appropriée et en permanence par un personnel qui lui soit spécialement affecté et devrait être à même de consulter systématiquement la Commission nationale consultative des droits de l ’ homme et la société civile.

C.Prochain rapport

54.Le Comité communiquera à l ’ État partie la date qu ’ il aura fixée pour la soumission de son rapport valant huitième et neuvième rapports périodiques selon un calendrier prévisible de soumission de rapports établi sur la base d ’ un cycle d ’ examen de huit ans, et il adoptera, le cas échéant, une liste de points et de questions qui sera transmise à l ’ État partie avant la soumission du rapport. Ce rapport devra être conforme aux directives spécifiques à l ’ instrument concernant l ’ établissement de rapports et ne pas dépasser 21 200 mots . Si l ’ État partie soumet un rapport dont le nombre de mots excède la limite fixée, il sera invité à en réduire la longueur. S ’ il n ’ est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins d ’ examen par le Comité ne pourra pas être garantie.