Comité des droits des personnes handicapées
Observations finales concernant le rapport initial du Canada *
I.Introduction
Le Comité a examiné le rapport initial du Canada (CRPD/C/CAN/1) à ses 318e et 319e séances (voir CRPD/C/SR.318 et 319), tenues les 3 et 4 avril 2017. Il a adopté les observations finales ci-après à sa 328e séance, le 10 avril 2017.
Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, qui a été établi conformément aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports. Il se félicite également des réponses écrites (CRPD/C/CAN/Q/1/Add.1) apportées par l’État partie à la liste de points établie par le Comité (CRPD/C/CAN/Q/1).
Le Comité se félicite du dialogue constructif auquel a donné lieu l’examen du rapport et remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau conduite par la Sous-Ministre déléguée principale de la Direction générale de la sécurité du revenu et du développement social à Emploi et développement social Canada, Mme Kathryn McDade, et composée de représentants de divers départements et organismes publics du Canada et des gouvernements du Québec et de l’Ontario.
II.Aspects positifs
Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a entrepris des démarches en vue d’adhérer au Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Il félicite également l’État partie pour ses cadres constitutionnel et législatif, en particulier la loi canadienne sur les droits de la personne, qui donne une définition du handicap fondée sur les droits de l’homme et interdit la discrimination fondée sur plusieurs motifs ou sur leurs effets combinés, et la Charte canadienne des droits et libertés, qui interdit la discrimination basée sur les « déficiences mentales ou physiques ».
Le Comité se félicite de l’adoption et de la mise en place, aux niveaux fédéral, provincial et territorial, de mesures législatives et de mesures de politique publique destinées à donner effet à la Convention, notamment la Politique sur les communications et l’image de marque adoptée en 2016, qui impose aux services fédéraux de diffuser l’information dans des formats accessibles ; de l’adoption du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030, en 2015 ; et des dispositions du Code pénal qui prévoient que les victimes et témoins handicapés peuvent témoigner dans les procédures pénales.
Le Comité félicite l’État partie d’avoir adhéré, en 2016, au Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.
III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations
A.Principes généraux et obligations générales (art. 1er à 4)
Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie maintient sa réserve à l’article 12 de la Convention et que la pratique de la prise de décisions substitutive perdure. Cette réserve est contraire à l’objet et au but de la Convention tels qu’ils sont consacrés à l’article premier, et elle empêche l’État partie de rendre pleinement effectifs tous les droits de l’homme des personnes handicapées conformément à l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme.
Le Comité recommande à l’État partie de retirer sa déclaration et sa réserve relatives au paragraphe4 de l’article12 de la Convention, et de prendre des mesures en vue de mettre les lois fédérales, provinciales et territoriales qui autorisent à priver les personnes handicapées de leur capacité juridique en conformité avec les dispositions de la Convention. Il encourage l’État partie à tenir compte, ce faisant, des critères énoncés dans l’observation générale no 1 du Comité (2014) sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité.
Le Comité note avec préoccupation :
a)Que les dispositions de la Convention n’ont pas encore été dûment incorporées dans la législation et les politiques des différents secteurs et aux différents niveaux de l’État ;
b)Que la Convention et la jurisprudence du Comité ne sont pas appliquées de manière uniforme par l’appareil judiciaire et les responsables de l’application des lois, y compris la police ;
c)Qu’il n’existe pas de législation et de politiques publiques visant à protéger les droits des personnes handicapées qui s’identifient comme lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou intersexuées.
Le Comité recommande à l’État partie:
a)De prendre l’initiative de réunir les provinces et les territoires afin d’assurer une approche pancanadienne de l’application de la Convention, et d’adopter un plan d’action national global pour la mettre en œuvre en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et en consultation avec les personnes handicapées par l’intermédiaire des organisations qui les représentent. L’État partie devrait veiller à ce que ce plan d’action comporte des objectifs et un calendrier de mise en œuvre;
b)De mettre en place un mécanisme qui permette de veiller à ce que soient intégrées dans les lois provinciales et territoriales à actualiser des mesures visant spécialement à mettre en œuvre les obligations de l’État partie au titre de la Convention;
c)De renforcer les ressources humaines, financières et techniques duBureau de la condition des personnes handicapées au niveau fédéral, et de garantir la mise en place de mécanismes formels et permanents appropriés pour assurer la coordination avec les gouvernements provinciaux et territoriaux;
d)D’élaborer, à l’intention du corps judiciaire et des responsables de l’application des lois, des programmes de renforcement des capacités destinés à améliorer leur connaissance de la Convention en tant qu’instrument relatif aux droits de l’homme ayant force de loi, de l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme et de ses principes, de la jurisprudence du Comité, ycompris ses observations générales et les constatations qu’il adopte au sujet de communications soumises par des particuliers, et des procédures d’enquête menées au titre duProtocole facultatif.
Le Comité prend note des consultations qui sont menées auprès des Canadiens, notamment des personnes handicapées et des organisations qui les représentent, aux fins de l’élaboration des mesures d’accessibilité prévues au niveau fédéral, ainsi que des activités menées pour promouvoir les organisations de personnes handicapées et leur travail de sensibilisation aux niveaux national et international. Il est cependant préoccupé par l’absence de consultations formelles et documentées au sujet des plans globaux de mise en œuvre de la Convention, et d’informations sur les mécanismes destinés à favoriser les initiatives et la participation des organisations représentant les personnes présentant un handicap mental et les enfants handicapés dans les consultations.
Le Comité recommande à l’État partie:
a)De mettre en place, à tous les niveaux de l’administration, des mécanismes permanents et formels afin de mener auprès des organisations représentant les personnes handicapées des consultations efficaces et axées sur les résultats au sujet de la mise en œuvre intégrale de la Convention;
b)De prendre des mesures, notamment l’allocation de ressources budgétaires spécifiques, en vue de renforcer les activités de sensibilisation menées par les organisations de personnes handicapées, notamment les organisations qui représentent les femmes et les enfants handicapés, les personnes présentant un handicap psychosocial et/ou intellectuel et les personnes atteintes de pathologies neurodégénératives, notamment la maladie d’Alzheimer, la démence et la sclérose en plaques.
B.Droits particuliers (art. 5 à 30)
Égalité et non-discrimination (art. 5)
Le Comité est préoccupé par :
a)Les inégalités qui persistent dans l’exercice et la jouissance par les personnes handicapées de leurs droits, notamment les droits à l’éducation, au travail et à l’emploi et à un niveau de vie suffisant, en raison notamment d’un manque de logements économiquement accessibles et du manque d’accès à l’eau et à l’assainissement ;
b)Les discriminations croisées dont sont victimes les femmes et les filles autochtones ou migrantes présentant un handicap, pour qui le risque de subir des violences sexistes, de connaître la pauvreté et la marginalisation et de se heurter à des obstacles dans l’accès aux services de santé mentale est plus élevé ;
c)L’absence de mesures visant à faire en sorte que des aménagements raisonnables soient réalisés dans tous les domaines visés par la Convention, au-delà du travail et de l’emploi.
Le Comité recommande à l’État partie:
a)D’adopter des stratégies intersectorielles pour lutter contre les inégalités et la discrimination dont sont victimes les personnes handicapées, prévoyant notamment des mesures d’action positive assorties d’objectifs clairs et la collecte de données sur les progrès accomplis ventilées par âge, sexe et origine autochtone;
b)De s’inspirer de l’article5 de la Convention dans le cadre de la réalisation des cibles10.2 et 10.3 des objectifs de développement durable;
c)De définir des critères en vue de lutter contre les formes multiples et croisées de discrimination au moyen de lois et de politiques publiques, notamment par des programmes d’action positive en faveur des femmes et des filles handicapées, des autochtones handicapés et des migrants handicapés, et d’offrir des recours utiles lorsque ce type de discrimination se produit;
d)D’élaborer des règlements et de nouvelles directives pour une mise en œuvre proactive de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées, ycompris des dispositions visant à sensibiliser les acteurs publics et privés aux obligations en matière d’aménagements raisonnables et aux outils disponibles dans ce domaine;
e)De veiller à ce que les personnes handicapées membres des communautés des Premières Nations bénéficient de services appropriés dans des conditions d’égalité, notamment en ce qui concerne les services de santé visant à prévenir le suicide chez les jeunes autochtones handicapés.
Femmes handicapées (art. 6)
Le Comité note avec préoccupation que les femmes handicapées sont victimes de discriminations croisées, notamment dans l’accès à la justice, qui est particulièrement difficile pour les femmes autochtones handicapées. Il est également préoccupé par l’absence d’informations sur la législation visant à promouvoir l’autonomisation économique des femmes handicapées au moyen de lois et de politiques publiques sur l’égalité des sexes.
Conformément à son observation générale no 3 (2016) sur les femmes et les filles handicapées, le Comité recommande à l’État partie:
a)De veiller à ce que la stratégie fédérale contre la violence fondée sur le genre prévoie des mesures et des programmes et objectifs visant spécialement à lutter contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles handicapées;
b)D’éliminer les obstacles et de concevoir des pratiques inclusives afin d’apporter un soutien financier et matériel et de lutter contre les préjugés et les stéréotypes négatifs;
c)De veiller à ce que les femmes autochtones handicapées aient accès aux programmes d’éducation disponibles, à ce qu’elles aient connaissance des droits que leur reconnaît la Convention et à ce qu’elles puissent bénéficier de l’aide existante pour faire valoir leurs droits;
d)De garder à l’esprit les obligations qui lui incombent en vertu de l’article6 de la Convention dans le cadre de la réalisation des cibles5.1, 5.2 et 5.5 des objectifs de développement durable.
Enfants handicapés (art. 7)
Le Comité