Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille
Observations finales concernant la Jamaïque en l’absence de rapport *
1.En l’absence de rapport de l’État partie, le Comité a examiné la situation concernant la mise en œuvre de la Convention en Jamaïque à ses 345e et 346e séances (voir CMW/C/SR.345 et 346), les 4 et 5 avril 2017. À la lumière des réponses apportées par la délégation de l’État partie et des informations reçues, notamment d’autres organismes et mécanismes des Nations Unies, le Comité a adopté les observations finales ci-après à sa 358e séance, le 13 avril 2017.
A.Introduction
2.La Jamaïque a adhéré à la Convention le 25 septembre 2008. L’État partie était tenu de soumettre son rapport initial, conformément à l’article 73, paragraphe 1, de la Convention, au plus tard le 1er janvier 2010. En l’absence de rapport, conformément à l’article 31 bis de son règlement intérieur (voir A/67/48, par. 26), à sa vingt-troisième session, tenue en août-septembre 2015, le Comité a adopté une liste de points établie avant la soumission du rapport initial (CMW/C/JAM/QPR/1), transmise à l’État partie le 29 septembre 2015.
3.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas apporté de réponses à la liste de points, réponses qui auraient constitué son rapport au titre de l’article 73 de la Convention, en dépit de nombreuses demandes formelles et informelles en ce sens. Le Comité considère que l’État partie n’a pas respecté ses obligations au titre de l’article 73 de la Convention.
4.Le Comité sait gré à la délégation des efforts qu’elle a consentis pour fournir les renseignements demandés pendant le dialogue. Il regrette que celle-ci, qui était composée de représentants de la Mission permanente de la Jamaïque auprès de l’Office des Nations Unies et autres organisations internationales à Genève, n’ait pas été en mesure d’apporter tous les renseignements détaillés demandés. Le Comité souligne que les délégations doivent compter des experts techniques parmi leurs membres afin que des réponses précises puissent être données aux questions soulevées pendant le dialogue.
5.Le Comité a conscience que la Jamaïque, qui est principalement un pays d’origine des travailleurs migrants et des membres de leur famille, a fait des progrès dans la protection des droits de ses nationaux à l’étranger. Toutefois, il note que l’État partie rencontre des difficultés pour protéger les droits de ses nationaux rentrés au pays.
6.Le Comité relève également que certains des pays dans lesquels des travailleurs migrants jamaïcains sont employés ne sont pas parties à la Convention, ce qui peut constituer un obstacle à l’exercice par les intéressés des droits qu’ils tiennent de la Convention.
7.Le Comité constate en outre que les processus migratoires dans l’État partie reposent sur des flux tant intrarégionaux qu’interrégionaux ayant pour principales destinations l’Amérique du Nord et l’Europe, ainsi que l’existence d’une population migrante majoritairement originaire des pays du Commonwealth.
B.Aspects positifs
8.Le Comité salue les efforts consentis par l’État partie pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, qui comptent parmi les principales causes d’émigration, et la mise en œuvre du Plan national de développement Vision 2030 Jamaïque.
9.Le Comité relève avec satisfaction que la Jamaïque a ratifié les instruments ci-après ou y a adhéré :
a)La Convention sur la réduction des cas d’apatridie, en janvier 2013 ;
b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en août 2011 ;
c)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et deux des protocoles y relatifs, à savoir le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, en 2003.
10.Le Comité salue l’adoption des mesures législatives ci-après :
a)La loi de 2014 relative à la justice pénale (élimination des organisations criminelles) ;
b)La loi de 2007 relative à la traite des personnes (prévention, élimination et répression), telle que modifiée en 2013 ;
c)L’ordonnance 2011 relative au salaire minimum national (telle que modifiée) ; et
d)La loi de 2009 relative à la pornographie mettant en scène des enfants (prévention).
11.Le Comité se félicite également de l’adoption des mesures institutionnelles et de politique générale ci-après :
a)Le Plan d’action national de lutte contre la traite des personnes (2015-2018) ;
b)Le Plan d’action national sur le travail des enfants (2013) ;
c)Le Programme jamaïcain d’urgence pour l’emploi (2012) ;
d)La Politique nationale relative aux réfugiés (2009).
C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations
1.Mesures d’application générale (art. 73 et 84)
Législation et application
12.Le Comité salue l’adoption par l’État partie d’une loi relative à la traite et aux réfugiés qui contribue à la mise en œuvre de la Convention. Il est néanmoins préoccupé par le fait que plusieurs lois relatives aux migrations sont dépassées et n’ont pas été alignées sur la Convention par l’État partie. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que la loi relative à l’expulsion (citoyens du Commonwealth), la loi relative aux étrangers (chap. 9) et la loi relative aux restrictions à l’immigration (citoyens du Commonwealth) incriminent l’immigration clandestine.
13. Le Comité recommande à l’État partie :
a)D’engager une réforme législative pour abroger les lois obsolètes et aligner sa législation relative aux migrations sur la Convention et les autres instruments relatifs aux droits de l’homme ;
b)De dépénaliser l’immigration clandestine et de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que ses politiques et lois nationales, en particulier la loi relative à l’expulsion (citoyens du Commonwealth), la loi relative aux étrangers et la loi relative aux restrictions à l’immigration (citoyens du Commonwealth), ne portent pas atteinte aux droits de l’homme des migrants et des membres de leur famille, conformément à la Convention.
Articles 76 et 77
14. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention visant à reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant d’États parties et de particuliers concernant la violation de droits établis par la Convention.
Ratification des instruments pertinents
15. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier les instruments suivants ou d’y adhérer le plus rapidement possible : Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Politique et stratégie globale
16.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour combattre la pauvreté et les inégalités, principales causes d’émigration. Le Comité prend note de la réponse de la délégation selon laquelle l’État partie a élaboré une politique et un plan d’action relatifs aux migrations. Il regrette toutefois le manque d’information précisant dans quelle mesure cette politique et ce plan d’action national permettent de faire respecter les droits garantis par la Convention.
17. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que sa politique et son plan d’action relatif aux migrations mettent pleinement en œuvre les dispositions de la Convention. Le Comité invite l’État partie à inclure, dans son prochain rapport périodique, des renseignements actualisés, accompagnés de statistiques, sur les mesures précises prises pour mettre en œuvre les droits des travailleurs migrants tels qu’ils sont énoncés dans la Convention, tant en droit que dans la pratique, y compris les mesures économiques, sociales et autres visant à s’attaquer aux causes profondes des migrations en Jamaïque, notamment celles de l’immigration clandestine.
Coordination
18.Le Comité salue la création par l’État partie, en 2010, de trois comités de coordination interorganismes, à savoir le comité du permis de travail, le comité de la libre circulation des personnes, et l’Équipe spéciale nationale de lutte contre la traite des personnes. Le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que le rôle de coordination du Ministère des affaires étrangères et du commerce extérieur ne concerne que les droits de l’homme en général et par le manque d’informations sur la coordination des principaux organismes s’occupant de questions relatives aux migrations. Le Comité est également préoccupé par l’interaction insuffisante entre ces organismes et les organisations de la société civile.
19. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le Comité interministériel sur les droits de l’homme existant soit doté d’un mandat clairement défini et investi d’une autorité suffisante pour coordonner toutes les activités relatives à la mise en œuvre de la Convention dans tous les secteurs, tant aux plans national, régional que local. L’État partie devrait veiller à ce que cette instance de coordination dispose des moyens humains, techniques et financiers nécessaires pour fonctionner efficacement et coordonner les organismes susmentionnés.
Collecte de données
20.Le Comité se félicite de la création de l’Institut statistique de la Jamaïque et de l’élaboration d’une politique nationale relative à la diaspora, dont l’objet est de recenser la diaspora jamaïcaine, ainsi que du projet relatif à la collecte de données établi avec l’appui de l’Organisation internationale pour les migrations. Le Comité regrette toutefois l’absence d’informations statistiques ventilées qui lui permettraient d’évaluer dans quelle mesure les droits énoncés dans la Convention sont mis en œuvre dans l’État partie, y compris en ce qui concerne les travailleurs migrants jamaïcains à l’étrang