COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS Quarante-deuxième session Genève, 4-22 mai 2009
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE
Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels
Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, dépendances de la Couronne et territoires d’outre-mer
1. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné les quatrième et cinquième rapports périodiques − soumis en un seul document − du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, des dépendances de la Couronne et de ses territoires d’outre-mer sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/GBR/5) à ses 14e, 15e et 16e séances, tenues les 12 et 13 mai 2009, et a adopté à ses 26e et 27e séances tenues respectivement les 20 et 22 mai les observations finales ci-après.
A. Introduction
2. Le Comité se félicite de la soumission des quatrième et cinquième rapports périodiques de l’État partie, sous la forme d’un seul document qui a été de façon générale établi conformément aux directives du Comité et qui contenait des références explicites à la mise en œuvre des précédentes observations finales. Le Comité se félicite aussi d’avoir reçu les réponses écrites à la liste des points à traiter (E/C.12/GBR/Q/5/Add.1) ainsi que d’avoir tenu un dialogue ouvert et constructif avec la délégation de l’État partie, qui comportait des représentants de divers ministères compétents spécialisés dans les sujets visés par le Pacte, originaires notamment d’Écosse et du pays de Galles, tout en prenant note de l’absence de représentant de l’Irlande du Nord, des dépendances de la Couronne et des territoires d’outre-mer.
3. Le Comité prend note avec satisfaction de la participation d’institutions nationales des droits de l’homme et d’organisations non gouvernementales au processus d’établissement du rapport de l’État partie et encourage ce dernier à mettre en place un cadre institutionnel de coopération avec les institutions des droits de l’homme et la société civile pour l’établissement de ses rapports au Comité et les activités de suivi.
B. Aspects positifs
4. Le Comité se félicite de la création d’institutions nationales des droits de l’homme dans l’État partie, à savoir la Commission de l’égalité et des droits de l’homme, la Commission des droits de l’homme d’Irlande du Nord et la Commission écossaise des droits de l’homme.
5. Le Comité se félicite de la publication du Livre vert sur l’intégration de droits et de responsabilités dans le cadre constitutionnel britannique («Rights and responsibilities: developing our constitutional framework» et de la consultation publique qui s’en est suivie au sujet d’une déclaration des droits et responsabilités.
6. Le Comité note avec satisfaction l’introduction d’un projet de loi sur l’égalité qui vise à simplifier la législation en vigueur et à étendre la protection contre la discrimination à d’autres motifs tels que l’âge et l’orientation sexuelle, ainsi que la création de plusieurs institutions traitant des questions relatives à l’égalité telles que la diversité judiciaire («Panel on Judicial Diversity») et l’accès équitable aux professions libérales («Panel on Fair Access to the Professions»).
7. Le Comité se félicite des mesures adoptées par l’État partie qui contribuent à la mise en œuvre des droits énoncés dans le Pacte, débouchant ainsi sur la baisse du nombre d’enfants vivant dans la pauvreté, l’instauration de meilleures conditions de travail et une amélioration globale dans le domaine de la santé. Il prend note avec satisfaction des diverses réformes législatives et directives entreprises, notamment de la loi de 2003 relative aux sans-logis, etc. (Écosse), de la loi de 2006 relative à la garde d’enfants et des statuts du service national de santé (texte final publié le 21 janvier 2009).
8. Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie du Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 2005.
9. Le Comité prend acte de l’engagement de l’État partie d’affecter d’ici à 2013 0,7 % de son PIB à l’aide publique au développement en conformité avec les politiques convenues au niveau international.
10. Le Comité prend note du projet de déclaration des droits pour l’Irlande du Nord, dans lequel les droits économiques, sociaux et culturels sont justiciables, et demande sa promulgation sans attendre.
C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre du Pacte
11. Le Comité constate qu’aucun facteur ou difficulté majeur n’empêche la mise en œuvre du Pacte dans l’État partie.
D. Principaux sujets de préoccupation
12. Même s’il prend note de la structure de gouvernement de l’État partie: administration décentralisée en Irlande du Nord, en Écosse et au pays de Galles, et structures gouvernementales distinctes dans les territoires d’outre-mer et les dépendances de la Couronne, le Comité est préoccupé par l’absence de stratégie nationale visant à mettre en œuvre le Pacte. Il s’inquiète aussi du peu d’informations disponibles sur l’application du Pacte dans les territoires d’outre‑mer et les dépendances de la Couronne.
Étant donné qu’il incombe à l’État partie de mettre en œuvre le Pacte dans tous ses territoires, le Comité lui demande instamment de veiller à ce que tous les individus et groupes d’individus relevant de sa juridiction jouissent sur un pied d’égalité des droits économiques, sociaux et culturels, et lui recommande d’adopter une stratégie nationale visant à mettre en œuvre le Pacte sur l’ensemble de ses territoires.
13. Le Comité réitère la préoccupation qu’il a exprimée dans ses précédentes observations finales, portant sur le fait que bien que l’État partie ait adopté un certain nombre de lois dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte n’a pas encore été incorporé dans l’ordre juridique interne et ne peut être directement invoqué devant les tribunaux. Il regrette aussi que la délégation ait déclaré que les droits économiques, sociaux et culturels étaient de simples principes et valeurs et que les droits énoncés dans le Pacte n’étaient pas justiciables.
Le Comité demande instamment à l’État partie de veiller à ce que le Pacte ait plein effet juridique dans le droit interne, que les droits énoncés dans le Pacte deviennent justiciables et que les victimes de l’ensemble des violations des droits économiques, sociaux et culturels disposent de véritables recours. Il réitère sa recommandation selon laquelle, quel que soit le moyen choisi pour incorporer le droit international dans l’ordre juridique interne (monisme ou dualisme), après avoir ratifié un instrument international, l’État partie est dans l’obligation de le respecter et de lui donner plein effet dans son ordre juridique interne. À cet égard, le Comité appelle à nouveau l’attention de l’État partie sur l’Observation générale no 9 relative à l’application du Pacte dans le droit interne (1998).
14. Le Comité réitère sa préoccupation selon laquelle l’État partie n’a toujours pas établi de plan national d’action pour les droits de l’homme comme cela avait été recommandé dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne de 1993.
Le Comité recommande à nouveau à l’État partie d’adopter un plan national d’action pour les droits de l’homme qui comporte des programmes axés expressément sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Il encourage aussi l’État partie à consulter largement la société civile et les institutions nationales des droits de l’homme dans le cadre de l’élaboration du plan national d’action pour les droits de l’homme.
15. Le Comité est préoccupé par le fait que non seulement le grand public, mais aussi, en particulier, les magistrats, les fonctionnaires, les agents de police, les responsables de l’application des lois, les professions médicales et les autres professionnels de la santé connaissent peu les droits économiques, sociaux et culturels, même si l’État partie assurait le contraire.
Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour faire mieux connaître les droits économiques, sociaux et culturels au grand public ainsi qu’aux magistrats, fonctionnaires, agents de police, responsables de l’application des lois, membres des professions médicales et autres professionnels de la santé, notamment en appuyant de manière suffisante les campagnes de sensibilisation menées par la société civile et les institutions nationales des droits de l’homme. Il lui recommande aussi de prendre des mesures pour mieux faire prendre conscience que les droits énoncés dans le Pacte sont des droits de l’homme justiciables et ne sont pas simplement des droits dans le cadre de l’«État providence».
16. Le Comité continue d’être préoccupé par la discrimination de fait dont souffrent certains individus et groupes les plus défavorisés et marginalisés tels que les minorités ethniques et les personnes handicapées, dans l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels, surtout dans les domaines du logement, de l’emploi et de l’éducation, malgré les mesures adoptées par l’État partie pour renforcer ses mécanismes juridiques et institutionnels de lutte contre la discrimination. Il s’inquiète aussi de ce que le projet de loi relatif à l’égalité ne protège pas contre toutes les formes de discrimination dans tous les domaines liés aux droits énoncés dans le Pacte et ne s’applique pas à l’Irlande du Nord (art. 2).
Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures correctives visant à faire appliquer les interdictions légales de discrimination en vigueur et à promulguer sans attendre une loi générale luttant contre la discrimination et protégeant contre toute discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, conformément au paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte. Il lui recommande aussi d’envisager de rendre cette législation générale de lutte contre la discrimination applicable en Irlande du Nord.
17. Le Comité est préoccupé par les effets discriminatoires de certaines mesures de lutte contre le terrorisme sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels de certains groupes, en particulier des minorités ethniques et religieuses, malgré l’engagement de l’État partie d’adopter des politiques favorisant l’intégration, l’égalité de traitement et la diversité.
Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que ses mesures de lutte contre le terrorisme n’aient pas d’effet discriminatoire sur l’exercice des droits énoncés dans le Pacte par certains groupes, en particulier les minorités ethniques et religieuses.
18. Le Comité s’inquiète de la persistance d’inégalités entre hommes et femmes malgré les efforts déployés par l’État partie pour obtenir l’égalité entre les sexes sur le lieu de travail. En particulier, il est préoccupé par l’arrêt des progrès accomplis en vue de combler l’écart de salaire entre hommes et femmes, surtout dans le secteur privé et pour les personnes employées à temps partiel (art. 3, 6 et 7).
Conformément à l’Observation générale no 16 sur le droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels (2005), il recommande à l’État partie de revoir l’ensemble de ses politiques pour remédier aux inégalités entre les sexes. Il lui recommande aussi de continuer de redoubler d’efforts pour parvenir à une plus grande égalité entre hommes et femmes sur le lieu de travail, en particulier pour garantir une rémunération égale pour un travail de valeur égale dans tous les secteurs d’emploi. Il l’encourage à tenir compte des résultats de l’enquête qui sera menée par la Commission de l’égalité et des droits de l’homme et de veiller à ce que le projet de loi sur l’égalité contienne des dispositions concrètes visant à remédier à l’écart de salaire dans le secteur privé.
19. Le Comité note avec préoccupation que le congé parental et le congé de paternité ne peuvent être obtenus dans les mêmes conditions que le congé de maternité, ce qui porte atteinte à l’égalité de droits entre hommes et femmes (art. 3 et 9).
Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un régime plus souple pour le congé de paternité et le congé parental, en tenant compte du rapport intitulé «travailler mieux» (Working Better) de la Commission de l’égalité et des droits de l’homme.
20. Tout en prenant note du taux d’emploi dans l’État partie, le Comité s’inquiète néanmoins du nombre considérable de chômeurs, en particulier parmi les individus et les groupes les plus défavorisés et marginalisés.
Le Comité recommande à l’État partie de renforcer ses mesures visant à réduire le nombre considérable de chômeurs et à compenser l’impact du ralentissement économique sur l’emploi, afin de réaliser pleinement le droit au travail, en particulier pour les individus et les groupes les plus défavorisés et marginalisés. Il demande aussi à l’État partie de renforcer ses mesures visant à ce que les personnes souffrant d’un handicap, y compris celles ayant des troubles de l’apprentissage, aient des chances égales d’obtenir un emploi productif et rémunéré, notamment une rémunération égale pour un travail de valeur égale, et de leur garantir des chances accrues, élargies et égales d’acquérir les qualifications nécessaires, conformément à l’Observation générale no 5 sur les personnes souffrant d’un handicap (1994).
21. Le Comité est préoccupé par le fait que certains groupes, en particulier les minorités ethniques, continuent d’enregistrer un taux de chômage plus élevé que celui des autres travailleurs et d’occuper des emplois faiblement rémunérés.
Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures