Nations Unies

CCPR/C/COL/CO/6

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

4 août 2010

Français

Original: espagnol

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-dix-neuvième session

Genève, 12-30 juillet 2010

               Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

                   Observations finales du Comité des droits de l’homme

               Colombie

1.          Le Comité des droits de l’homme a examiné le sixième rapport périodique de la Colombie (CCPR/C/COL/6) à ses 2721e et 2722e séances, les 15 et 16 juillet 2010 (CCPR/C/SR.2721 et 2722). À sa 2739e séance, le 28 juillet 2010, il a adopté les observations finales ci-après.

           A.     Introduction

2.          Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de la Colombie, qui contient des renseignements détaillés sur les mesures adoptées par l’État partie pour promouvoir l’application du Pacte, mais note que le rapport décrit principalement les progrès réalisés dans le domaine législatif sans qu’il y ait une évaluation du degré d’application des droits dans la pratique. Il est également satisfait du dialogue qu’il a eu avec la délégation et exprime ses remerciements pour les réponses écrites détaillées (CCPR/C/COL/Q/6/Add.1) données à la liste des points à traiter, les réponses apportées oralement par la délégation, ainsi que les informations complémentaires et les éclaircissements donnés oralement. Le Comité remercie l’État partie d’avoir traduit les réponses données à la liste de points à traiter.

           B.     Aspects positifs

3.          Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives adoptées depuis l’examen du rapport périodique précédent:

a)          L’adoption de la loi no 1257 de 2008 «établissant des règles de sensibilisation, de prévention et de répression pour les formes de violence et de discrimination contre les femmes, portant réforme du Code pénal, du Code de procédure pénale et de la loi no 294 de 1996, et énonçant d’autres dispositions»;

b)         L’adoption de la loi no 1098 de 2006 «portant création du Code de l’enfance et de l’adolescence».

4.          Le Comité salue la collaboration établie entre l’État partie et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, qui ne s’est jamais démentie depuis l’ouverture, en 1997, du Bureau en Colombie du Haut-Commissariat.

5.          Le Comité se félicite également de la collaboration de l’État partie avec les rapporteurs spéciaux, les représentants spéciaux et les groupes de travail du système des droits de l’homme des Nations Unies.

6.          Le Comité note avec satisfaction que, dans sa jurisprudence, la Cour constitutionnelle fait amplement référence aux normes internationales des droits de l’homme et les applique.

7.          Le Comité relève avec satisfaction qu’au cours de la période écoulée depuis l’examen du cinquième rapport périodique, en 2004, l’État partie a ratifié:

a)          Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 23 janvier 2007;

b)         Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 25 mai 2005;

c)          La Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes, le 12 avril 2005;

d)         La Convention no 182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination,le 28 janvier 2005.

           C.     Principaux sujets de préoccupation et recommandations

8.          Le Comité est préoccupé par le manque de progrès notables dans l’application de ses recommandations précédentes (notamment ses recommandations relatives aux avantages juridiques accordés aux paramilitaires démobilisés, à la connivence entre les forces armées et les membres des groupes paramilitaires, à l’absence d’enquêtes sur les violations graves des droits de l’homme et les agressions commises contre les défenseurs des droits de l’homme). Le Comité regrette qu’un grand nombre de sujets de préoccupation subsistent (art. 2 du Pacte).

L’État partie devrait adopter toutes les mesures nécessaires pour donner pleinement effet aux recommandations du Comité.

9.          Le Comité se dit préoccupé par la loi no 975 de 2005 (loi Justice et Paix) car, malgré les assurances de l’État partie (par. 49 de son rapport et réponses orales) qui affirme que cette loi ne permet pas l’amnistie pour les infractions visées, dans la pratique un grand nombre d’atteintes graves aux droits de l’homme restent impunies. La grande majorité des plus de 30 000 paramilitaires démobilisés ne se sont pas prévalus de la loi no 975 de 2005 et leur situation juridique n’est pas claire. Le Comité observe avec préoccupation qu’à ce jour une seule condamnation a été prononcée, contre deux personnes, et que peu d’enquêtes ont été ouvertes, malgré la violence systématique qui ressort des dépositions volontaires des paramilitaires. Le Comité constate également avec préoccupation que selon les informations reçues, le mode d’action des groupes qui sont apparus depuis la démobilisation dans diverses parties du pays correspond à celui des groupes paramilitaires signalés. Le Comité souligne que l’adoption, en juillet 2009, de la loi no 1312 sur l’application du principe de l’opportunité des poursuites peut conduire à l’impunité, si la décision de renoncer aux poursuites est prise au mépris des normes relatives aux droits de l’homme et du droit de la victime d’obtenir réparation. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur le fait que, conformément à son Observation générale no 31 (CCPR/C/21/Rev.1/Add.13, 2004), il a «l’obligation générale de faire procéder de manière rapide, approfondie et efficace, par des organes indépendants et impartiaux, à des enquêtes sur les allégations de violation…» et que «le problème de l’impunité des auteurs de ces violations, question qui ne cesse de préoccuper le Comité, peut bien être un facteur important qui contribue à la répétition des violations» (art. 2, 6 et 7).

L’État partie doit s’acquitter des obligations qui sont les siennes en vertu du Pacte et d’autres instruments internationaux, y compris du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, enquêter sur les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire et condamner les auteurs à des peines à la mesure de la gravité des faits.

10.        Le Comité relève qu’à la fin de 2009, 280 420 victimes s’étaient fait enregistrer dans le cadre de la loi no 975 de 2005 et il note avec préoccupation qu’à ce jour, une réparation par la voie judiciaire n’a été accordée que dans un seul cas. Le Comité prend note de la mise en place d’un programme de réparation par la voie administrative (décret no 1290 de 2008) et de son application progressive; néanmoins, il constate avec préoccupation que le programme repose sur le principe de la solidarité et que même si la responsabilité subsidiaire ou résiduelle de l’État est mentionnée, l’obligation de garantie de l’État n’est pas reconnue expressément. Le Comité est préoccupé par la différence entre les dispositions juridiques et leur application. Dans la pratique, la réparation a plutôt un caractère d’assistance humanitaire et jusqu’à présent une réparation complète n’a pas été envisagée. Pour le Comité, il est préoccupant que le décret no 1290 ne reconnaisse pas les victimes des agents de l’État. Le Comité regrette qu’à ce jour aucune mesure n’ait été instaurée en vue d’une réparation collective (art. 2).

L’État partie devrait veiller à adopter une législation et à mettre en œuvre une politique garantissant sans réserve le droit à un recours effectif et à une réparation complète. La réalisation du droit devrait se faire en tenant compte des Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire et prévoir chacun des cinq éléments: restitution, indemnisation, réadaptation, satisfaction et garantie de non-répétition. Il convient d’accorder une attention particulière aux aspects liés au sexe, ainsi qu’aux cas où les victimes sont des enfants, des Afro-Colombiens et des autochtones. Des ressources devraient être consacrées spécifiquement à la prise en charge psychosociale et à la réadaptation.

11.        Le Comité relève avec préoccupation que l’extradition vers les États-Unis d’Amérique de chefs de groupes paramilitaires recherchés pour trafic de drogues, ordonnée par le pouvoir exécutif, a abouti à une situation qui entrave la conduite des enquêtes visant à établir leur responsabilité dans des violations graves des droits de l’homme. L’exercice du droit à la justice, à la vérité et à la réparation est compromis par ces extraditions, qui contreviennent à la responsabilité qu’a l’État partie d’enquêter sur les atteintes aux droits de l’homme, d’engager des poursuites et de punir les responsables (art. 2, 6 et 7).

L’État partie devrait veiller à ce que les extraditions ne fassent pas obstacle aux actions nécessaires pour enquêter sur les violations graves des droits de l’homme, engager des poursuites et punir les responsables. Il devrait prendre des mesures pour que les personnes extradées n’échappent pas à leurs responsabilités concernant les enquêtes réalisées en Colombie sur les violations graves des droits de l’homme et faire en sorte qu’à l’avenir les extraditions s’inscrivent dans un cadre juridique qui reconnaisse les obligations découlant du Pacte.

12.        Le Comité est profondément préoccupé par le fait que des atteintes graves aux droits de l’homme, dont des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des actes de torture, des violences sexuelles et le recrutement d’enfants dans le conflit armé, continuent de se produire. Il souligne combien l’absence de statistiques et d’informations précises sur le nombre de cas de torture et sur les enquêtes menées est grave. Il note la vulnérabilité particulière de certaines catégories de la population, comme les femmes, les enfants, les minorités ethniques, les déplacés, la population carcérale et les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres. Il est préoccupé par l’absence d’enquêtes ou la lenteur des enquêtes ouvertes, dont un grand nombre en sont toujours au stade préalable, ce qui contribue à laisser dans l’impunité les auteurs d’atteintes graves aux droits de l’homme (art. 2, 3, 6, 7, 24 et 26).

L’État partie devrait faire en sorte que les enquêtes soient menées par les autorités compétentes, avec célérité et impartialité, et que les violations des droits de l’homme soient sanctionnées par des peines à la mesure de leur gravité. L’État devrait allouer des ressources supplémentaires à l’unité des droits de l’homme et du droit international humanitaire pour lui permettre de mener son action de façon diligente; le Comité signale qu’il importe que les affaires qui relèvent de la compétence de l’unité soient effectivement attribuées à celle-ci. L’État partie devrait aussi renforcer la sécurité des acteurs de la justice et de tous les témoins et victimes. Il devrait édifier un système centralisé permettant d’identifier toutes les violations graves des droits de l’homme et donner la suite voulue aux enquêtes concernant ces violations.

13.        Le Comité donne acte à l’État partie de ses efforts visant à prévenir les violations graves des droits de l’homme, en mettant en place au sein du bureau du Défenseur du peuple le système d’alerte précoce, conçu pour empêcher les déplacements et autres violations graves des droits de l’homme, et prend également note de la présence de défenseurs communautaires dans les localités hautement vulnérables. Néanmoins, il est préoccupé par l’augmentation du nombre de rapports de risque établis par le système d’alerte précoce qui ne donnent pas lieu à une alerte précoce de la part du Comité interinstitutions d’alerte précoce et par le fait que, dans certains cas, aucune réaction ni mesure efficace de prévention n’est prise, et que, en conséquence, des déplacements massifs continuent de se produire (art. 2).

L’État devrait renforcer le système d’alerte précoce, en veillant à ce que des mesures efficaces de prévention soient prises et à ce que les autorités civiles, y compris aux niveaux départemental et municipal, participent à la coordination des mesures préventives. L’État partie devrait être attentif et donner suite à tous les rapports de risque émis, même s’ils n’aboutissent pas à une alerte du Comité interinstitutions. De même, l’État devrait renforcer la présence du bureau du Défenseur du peuple dans les zones où les risques d’atteintes aux droits de l’homme sont élevés et élargir le programme des défenseurs communautaires.

14.        Le Comité est préoccupé par la pratique répandue des exécutions extrajudiciaires de civils dont les forces de sécurité disent ensuite qu’ils sont morts au combat. Le Comité exprime sa préoccupation au sujet des nombreuses plaintes selon lesquelles des directives du Ministère de la défense, qui accordaient des incitations et des récompenses sans contrôle ni supervision interne, ont contribué à l’exécution de