CCPR/C/MEX/CO/5

 

Nations Unies

CCPR/C/MEX/CO/5

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

7 avril 2010

Français

Original: espagnol

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-dix-huitième session

New York, 8-26 mars 2010

                   Observations finales du Comité des droits de l’homme

               Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

               Mexique

1.          Le Comité des droits de l’homme a examiné le cinquième rapport périodique du Mexique (CCPR/C/MEX/5) à ses 2686e, 2687e et 2688e séances, tenues les 8 et 9 mars 2010 (CCPR/C/SR.2686, 2687 et 2688). À sa 2708e séance, tenue le 23 mars 2010 (CCPR/C/SR.2708), il a adopté les observations ci-après.

           A.     Introduction

2.          Le Comité se félicite de la présentation du cinquième rapport périodique du Mexique qui contient des informations détaillées sur les mesures adoptées par l’État partie pour promouvoir l’application du Pacte, mais constate que le rapport a été présenté en retard et ne contient pas de référence précise concernant la mise en œuvre des précédentes observations finales du Comité (CCPR/C/79/Add.109). Il apprécie également le dialogue avec la délégation mexicaine, les réponses écrites détaillées (CCPR/C/MEX/Q/5/Add.1) à la liste de questions du Comité et les renseignements et éclaircissements complémentaires fournis oralement.

           B.     Aspects positifs

3.          Le Comité salue les mesures législatives et autres ci-après, prises après l’examen du précédent rapport périodique de l’État partie:

a)          Adoption en 2007 de la loi générale sur l’accès des femmes à une vie libre de violence;

b)         Adoption en 2003 de la loi fédérale relative à la prévention et l’élimination de la discrimination;

c)          Adoption en 2003 de la loi fédérale relative à la promotion des activités des organisations de la société civile;

d)         Ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées;

e)          Adoption du Programme national relatif aux droits de l’homme pour 2008-2012.

           C.     Principaux sujets de préoccupation et recommandations

4.          Le Comité note avec inquiétude l’absence de progrès notables dans l’application de ses recommandations antérieures, dont celles relatives à la violence à l’égard des femmes, le déploiement de forces armées pour assurer le maintien de l’ordre et l’absence de protection pour les militants des droits de l’homme et les journalistes, et regrette que de nombreux sujets de préoccupation persistent (art. 2).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour appliquer pleinement toutes les recommandations adoptées par le Comité.

5.          Le Comité craint que la mise en œuvre des obligations qui incombent à l’État partie en vertu du Pacte risque d’être entravée par sa structure fédérale. Il rappelle à l’État partie qu’aux termes de l’article 50 du Pacte, les dispositions du Pacte «s’appliquent, sans limitation ni exception aucune, à toutes les unités constitutives des États fédératifs» (art. 2).

L’État partie devrait prendre des mesures pour que les autorités, y compris les tribunaux, dans tous les États, soient conscientes des droits énoncés dans le Pacte et de leur devoir d’en assurer la réalisation effective et pour que la législation, au niveau fédéral et à celui des États, soit harmonisée avec le Pacte.

6.          Le Comité regrette que la délégation mexicaine n’ait pas été en mesure d’indiquer un délai spécifique dans lequel les propositions de réforme de la Constitution de l’État partie seraient arrêtées définitivement. En outre, il déplore l’absence d’éclaircissement quant au statut du Pacte dans l’ordre juridique national compte tenu de la réforme constitutionnelle en cours et, en particulier, quant à la manière dont les conflits entre la législation nationale et les obligations internationales relatives aux droits de l’homme pourront être résolus (art. 2 et 26).

Compte tenu de l’Observation générale no 31, adoptée en 2004, du Comité relative à la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, l’État partie devrait harmoniser le projet de constitution avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme, notamment avec le Pacte. En outre, il conviendrait de mettre en place une procédure permettant de former un recours concernant la compatibilité de la législation nationale avec les obligations internationales relatives aux droits de l’homme. L’État partie devrait également parachever la réforme constitutionnelle dans un délai raisonnable.

7.          Le Comité s’inquiète de ce que, bien que certains progrès aient été réalisés en matière d’égalité des sexes ces dernières années, les inégalités entre hommes et femmes persistent dans de nombreux domaines, notamment dans la vie politique. Il demeure préoccupé par la discrimination dont sont victimes les femmes à la recherche d’un emploi dans le secteur des «maquiladoras» dans les régions frontalières septentrionales de l’État partie, où on leur pose des questions personnelles indiscrètes et où on continue à leur demander de subir des tests de grossesse (art. 2, 3 et 26).

L’État partie devrait intensifier ses mesures destinées à assurer l’égalité entre femmes et hommes dans tous les domaines, y compris la représentation des femmes dans la vie politique au moyen, entre autres, de campagnes de sensibilisation et de mesures temporaires spéciales. En outre, il devrait lutter contre la discrimination à l’égard des femmes, en particulier dans le monde du travail, et faire en sorte qu’il ne soit plus exigé de tests de grossesse pour pouvoir accéder à un emploi. Toute infraction à l’interdiction des tests de grossesse devrait faire l’objet de sanctions efficaces et les victimes devraient obtenir réparation. L’État partie devrait renforcer le mandat de l’inspection du travail pour lui permettre de contrôler les conditions de travail des femmes et de faire en sorte que leurs droits soient respectés.

8.          Le Comité se félicite de la création d’un parquet spécialisé dans les délits concernant la violence à l’égard des femmes et la traite des personnes (FEVIMTRA), de la mise en œuvre d’un projet pilote visant à améliorer l’accès des femmes à la justice (casas de justicia), ainsi que de la volonté de l’État partie d’adapter les mesures qu’il prendra pour protéger les femmes de la violence aux caractéristiques culturelles et sociales des diverses régions. Néanmoins, le Comité note avec préoccupation la persistance de la violence à l’égard des femmes, y compris la torture et les mauvais traitements, le viol et d’autres formes de violence sexuelle, ainsi que de la violence dans la famille, et le petit nombre de peines prononcées à cet égard. Il est également préoccupé par le fait que la législation de certains États n’a pas été entièrement harmonisée avec la loi générale sur l’accès des femmes à une vie libre de violence, dans la mesure où leur législation ne prévoit pas la création d’un mécanisme d’alerte contre la violence sexiste et n’interdit pas le harcèlement sexuel (art. 3, 7 et 24).

L’État partie devrait intensifier davantage ses efforts visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes, notamment en se penchant sur les causes profondes de ce problème. Il devrait en particulier:

a)          Prendre des mesures pour que la législation des États soit pleinement harmonisée avec la loi générale sur l’accès des femmes à une vie libre de violence, notamment en ce qui concerne la création d’une base de données concernant les cas de violence à l’égard des femmes, la création d’un mécanisme d’alerte en cas de violence sexiste et l’interdiction du harcèlement sexuel;

b)          Ériger le féminicide en crime dans la législation, y compris au niveau des États; doter le FEVIMTRA des pouvoirs nécessaires pour connaître des actes de violence commis par les fonctionnaires, au niveau fédéral et à celui des États;

c)          Mener des enquêtes promptes et efficaces et punir les auteurs d’actes de violence à l’égard des femmes, notamment en assurant une coopération efficace entre les autorités fédérales et celles des états;

d)          Prévoir des recours efficaces, dont des mesures visant à assurer la santé psychologique, et créer des refuges pour les femmes victimes de la violence;

e)          Continuer à organiser des cours de formation sur les droits de l’homme et l’égalité des sexes à l’intention des responsables de l’application des lois et des militaires;

f)          Prendre des mesures préventives et des mesures de sensibilisation et lancer des campagnes d’éducation pour modifier la perception du rôle des femmes dans la société.

9.          Tout en saluant les mesures adoptées par l’État partie pour faire face à la violence à l’égard des femmes qui sévit à Ciudad Juárez, telles que la création d’un parquet spécial chargé des délits concernant le meurtre de femmes dans cette municipalité et d’une Commission pour la prévention et l’élimination de la violence à l’égard des femmes à Ciudad Juárez, le Comité demeure préoccupé par le fait que de nombreux cas de disparition et d’homicide concernant des femmes demeurent impunis et que de tels actes continuent à se produire à Ciudad Juárez et dans d’autres municipalités. Il déplore également le peu d’informations concernant la stratégie de lutte contre la violence à l’égard des femmes à Ciudad Juárez (art. 3, 6, 7 et 14).

Les institutions créées pour connaître de la violence à l’égard des femmes à Ciudad Juárez devraient être dotées de pouvoirs et de ressources humaines et financières suffisants pour s’acquitter efficacement de leur mandat. L’État partie devrait également intensifier notablement ses efforts pour poursuivre et sanctionner les auteurs d’actes de violence à l’égard des femmes à Ciudad Juárez et améliorer l’accès des victimes à la justice.

10.        Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré la Norme fédérale 046 (NOM-046) promulguée par le Ministère de la santé et la décision de la Cour suprême sur la constitutionnalité de la décriminalisation de l’avortement en 2008, l’avortement demeure illégal dans tous les cas aux termes de la Constitution de nombreux États (art. 2, 3, 6 et 26).

L’État partie devrait faire en sorte que la législation de tous les États en matière d’avortement soit conforme au Pacte et veiller à ce que la Norme fédérale 046 (NOM-046) soit appliquée sur l’ensemble du territoire. Il devrait également prendre des mesures pour aider les femmes à éviter les grossesses non désirées, de telle sorte qu’elles n’aient pas à recourir à des avortements illégaux ou pratiqués dans de mauvaises conditions, susceptibles de mettre leur vie en danger (art. 6).

11.        Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle l’état d’urgence n’a pas été déclaré sur son territoire. Toutefois, il demeure préoccupé par des indications selon lesquelles, dans certaines régions, l’exercice de certains droits a fait l’objet de dérogations dans le contexte de la lutte contre la criminalité organisée. En outre, le Comité demeure préoccupé par le rôle des forces armées dans le maintien de l’ordre et les allégations croissantes selon lesquelles des violations des droits de l’homme auraient Ã