Nations Unies

CRPD/C/TUN/CO/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

13 mai 2011

Français

Original: anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Cinquième session

11-15 avril 2011

               Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 35 de la Convention

                   Observations finales du Comité des droits des personnes handicapées

               Tunisie

1.          Le Comité a examiné le rapport initial de la Tunisie (CRPD/C/TUN/1) à ses 46e, 47e et 48e séances (voir CRPD/C/SR.46 à 48), tenues les 12 et 13 avril 2011, et a adopté les observations finales ci-après à sa 52e séance, tenue le 15 avril 2011.

         I.    Introduction

2.          Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la Tunisie, l’un des premiers États à avoir ratifié la Convention et son Protocole facultatif, ainsi que ses réponses écrites à la liste des points à traiter (CRPD/C/TUN/Q/1/Add.1). Les deux documents ont permis au Comité de se faire une meilleure idée de la mise en œuvre de la Convention dans l’État partie.

3.          Le Comité est particulièrement sensible à la présence de la délégation tunisienne alors même que le pays traverse une phase de transition après avoir engagé une révolution démocratique, le 14 janvier 2011, et se félicite du dialogue ouvert qu’il a eu avec une délégation compétente, représentant différentes composantes du Gouvernement et comptant un expert handicapé parmi ses membres.

        II.    Aspects positifs

4.          Le Comité note avec satisfaction que le rapport initial a été élaboré dans le cadre d’un processus de consultations nationales approfondies auquel ont été associées des organisations de personnes handicapées, notamment.

5.          Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour entreprendre l’harmonisation de sa législation et de sa politique nationale avec la Convention, notamment de l’adoption des textes suivants:

a)          La loi d’orientation no 83 du 15 août 2005, relative à la promotion et à la protection des personnes handicapées;

b)         La loi d’orientation no 80 du 23 juillet 2002, complétée par la loi no 9 du 11 février 2008, qui interdit toute discrimination à l’égard d’enfants d’âge scolaire.

6.          Le Comité salue la modification apportée en 2010 à l’article 319 du Code pénal, qui interdit toute forme de violence contre les enfants, quel qu’en puisse être l’auteur − parent ou tuteur, notamment.

      III.    Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention;

7.          Le Comité note que l’incertitude qui règne et l’évolution rapide de la situation dans l’État partie à la suite de la révolution démocratique risquent d’avoir une incidence sur la mise en œuvre de certains éléments de la Convention. Il prend note des profonds changements institutionnels survenus ces derniers mois et considère que ceux-ci offrent aux personnes handicapées l’occasion unique de prendre part à l’édification d’un pays nouveau.

      IV.    Principaux sujets de préoccupation, et recommandations

           A.     Obligations et principes généraux (art. 1er et 4)

8.          Le Comité prend note du décret no 3086 du 29 novembre 2005, relatif à la définition du handicap et aux conditions d’attribution de la carte de handicap, ainsi que des efforts déployés par l’État partie pour passer d’une approche médicale à une approche sociale du handicap. Il s’inquiète toutefois du risque d’exclusion de personnes qui devraient être protégées par la Convention, en particulier les personnes atteintes de handicap psychosocial («maladie mentale») ou intellectuel, ou d’autres personnes qui ne peuvent pas obtenir de carte de handicap, en raison d’un handicap ou pour une raison liée à un handicap.

9.          Le Comité invite l’État partie à revoir la définition du handicap et à la reformuler en se fondant sur la Convention.

10.        Le Comité recommande à l’État partie d’encourager et d’appuyer la création, aux niveaux local et national, d’organisations représentatives ou de groupes de personnes handicapées et de parents de telles personnes, ainsi que le renforcement des capacités de ces organisations ou groupes et leur participation effective à la conception, à l’élaboration, à la réforme et à la mise en œuvre de politiques et programmes appropriés, conformément au paragraphe 3 de l’article 4 de la Convention. En particulier, le Comité engage vivement l’État partie à veiller à ce que les personnes handicapées soient consultées, y compris en tant que membres du Conseil constitutionnel, dans le cadre de l’élaboration de la nouvelle Constitution, et à ce qu’elles y prennent une part active.

11.        Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour faciliter la pleine participation des femmes, des hommes, des filles et des garçons handicapés et de leur famille à la vie de la société.

           B.     Droits spécifiques (art. 5 à 30)

                         Égalité et non-discrimination (art. 5)

12.        Le Comité prend note de la loi d’orientation no 2005-83 relative à la promotion et à la protection des personnes handicapées. Il regrette cependant le manque de clarté quant à l’application de la notion d’«aménagement raisonnable».

13.        Le Comité recommande à l’État partie d’incorporer la définition de la notion d’aménagement raisonnable dans sa législation nationale, et de l’appliquer conformément à l’article 2 de la Convention, en particulier de veiller à ce que la loi qualifie expressément le refus d’aménagement raisonnable de discrimination fondée sur le handicap. Il invite l’État partie à redoubler d’efforts pour sensibiliser les juristes, en particulier les magistrats, ainsi que les personnes handicapées elles-mêmes, à la question de la non-discrimination, notamment au moyen de programmes de formation sur la notion d’aménagement raisonnable. Il recommande à l’État partie de prendre d’urgence des mesures pour inscrire une interdiction expresse de la discrimination fondée sur le handicap dans une loi de lutte contre la discrimination, et de veiller à ce que la discrimination fondée sur le handicap soit interdite par toutes les lois, notamment celles qui régissent les élections, le travail, l’éducation et la santé.

                         Femmes handicapées (art. 6)

14.        Tout en prenant note de l’amélioration de la condition de la femme en général, le Comité est préoccupé par la vision négative que la famille et la société ont de la femme handicapée et par les informations selon lesquelles le poids des traditions et les pressions culturelles et familiales tendent à favoriser la dissimulation des femmes handicapées et empêchent celles-ci d’obtenir une carte de handicap, au détriment de leurs possibilités de participer à la vie de la société et de développer pleinement leur potentiel.

15.        Le Comité recommande à l’État partie:

a)          De concevoir et de mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation et des programmes d’éducation sur les femmes handicapées, destinés à l’ensemble de la société, notamment au niveau de la famille, afin de promouvoir le respect de leurs droits et de leur dignité, de combattre les stéréotypes, les préjugés et les pratiques néfastes et de faire prendre conscience des capacités de ces femmes et de la contribution qu’elles peuvent apporter;

b)          De veiller à ce que les femmes handicapées soient prises en compte dans la collecte de données et de statistiques (voir le paragraphe 37);

c)          De mener des études et des travaux de recherche visant à cerner la situation des femmes handicapées et à déterminer quels sont leurs besoins particuliers, en vue de concevoir et d’adopter des stratégies, des politiques et des programmes − en particulier dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, de la santé et de la protection sociale − favorisant leur autonomie et leur pleine participation à la vie de la société, et à combattre la violence contre les femmes.

                         Enfants handicapés (art. 7)

16.        Le Comité juge particulièrement préoccupant le faible taux de signalement des cas de maltraitance habituelle d’enfants, y compris d’enfants handicapés, qui peuvent être en situation de danger, compte tenu des résultats obtenus dans le cadre de l’enquête en grappes à indicateurs multiples (MICS 2006), dont il ressortait que 94 % des enfants âgés de 2 à 14 ans étaient soumis chez eux à des méthodes de discipline violentes, qu’il s’agisse de violence verbale ou physique ou de privations.

17.        Le Comité recommande à l’État partie:

a)          D’évaluer l’ampleur du phénomène de la violence à l’encontre des garçons et des filles handicapés et de réunir systématiquement des données ventilées (voir par. 39) en vue de mieux le combattre;

b)          De veiller à ce que les établissements qui prennent en charge des enfants handicapés soient dotés de personnel ayant reçu une formation spécialisée conforme aux normes en vigueur et à ce que ces établissements fassent l’objet d’une surveillance et d’une évaluation régulières, et d’instaurer des mécanismes de plainte accessibles aux enfants;

c)          D’instaurer des mécanismes de suivi indépendants;

d)          De prendre des mesures pour remplacer la prise en charge institutionnelle des garçons et des filles handicapés par une prise en charge communautaire de ces enfants.

                         Sensibilisation (art. 8)

18.        Le Comité prend note de la stratégie d’information, d’éducation et de communication visant à sensibiliser à la situation des personnes handicapées, laquelle prévoit notamment la formation du personnel judiciaire et des enseignants. Il regrette toutefois le manque d’informations sur la formation à la Convention dispensée aux autres agents de l’État.

19.        Le Comité encourage l’État partie à mettre en